Faut-il vacciner contre l’hépatite B ?

20 juin 2006  |  dans Santé

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Photo : Tom & Dee Ann McCarthy/CORBIS

En France, l’hépatite B fait autant de morts que le sida. Pourtant, à la suite d’accidents, la vaccination n’est plus obligatoire pour les enfants. Mais la polémique persiste.

En 1994, une vaste campagne de vaccination contre l’hépatite B est lancée en France. En 1998, la vaccination des pré-adolescents dans les lycées est stoppée net. Ce vaccin serait à l’origine de cas de scléroses en plaques et d’autres maladies handicapantes ou mortelles. D’aucuns s’interrogent : faut-il prendre le risque de ne pas se faire vacciner contre une maladie qui tue encore beaucoup de gens ? Pour mieux comprendre un dossier très passionnel, tentative de réponses à quelques questions essentielles.

L’hépatite B : quelle menace ?

Excès de précautions ? Après les Etats-Unis, le Canada et l’Italie, en 1994, la France adopte une stratégie de vaccination massive contre l’hépatite B sur les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé. Branle-bas de combat général : des millions de doses du vaccin sont produites et injectées à travers l’Hexagone. La campagne cible en priorité les nourrissons, et les pré-adolescents de moins de 13 ans, vaccinés à la chaîne dans les collèges. La maladie, qui n’a jusqu’ici que peu éveillé l’attention des autorités sanitaires, semble être un véritable fléau. Transmissible par le sang et par les relations sexuelles, l’hépatites B ne concernait plus seulement les populations dites à risque (toxicomane, transfusés, hémophile, dialysés ou personne à partenaires multiples). La maladie pouvait potentiellement toucher n’importe qui depuis que certains spécialistes avaient affirmé, dans le cadre de cette campagne, que le virus se transmettait également par la salive. Ainsi, des adultes et des personnes âgées ont également été vaccinés. Entre 1984, date du début de la commercialisation du vaccin, et 1999, 20,7 à 27,5 millions de personnes ont été vaccinées en France. « Ce programme [de vaccination] complétait l’immunisation des sujets à risque et permettait d’envisager une diminution de l’incidence de l’hépatite B dans les vingt années à venir, et son élimination à long terme », explique-t-on aujourd’hui à la direction générale de la santé. Dans le meilleur des mondes, l’hépatite B aurait été éradiquée. Mais les choses n’ont pas été aussi simples. Les cas de maladies supposées liées à la vaccination ont commencé à éveiller les soupçons. Fallait-il injecter ce vaccin massivement s’il pouvait déclencher chez certains sujets d’autres maladies, certaines mortelles ou gravement handicapantes ? Le doute s’est donc insinué dans l’opinion française quant à l’urgence de cette campagne. La transmission du virus par la salive a été le premier élément remis en cause. Ce type de contamination s’avère très peu probable, voire impossible.

Aujourd’hui, dans 40,6% des cas d’hépatite B, le virus est transmis lors de relations sexuelles, 14,5% lors de voyage dans les pays endémiques, 10,3% lors de soin invasifs (transfusion sanguine, opération chirurgicale, dialyse) et 10,3% lors de soins dentaires. Les autres modes de transmissions restant pour l’instant indéterminés, selon les données de l’Institut national de veille sanitaire. D’autres doutes sont ensuite apparus quant à l’urgence réelle de cette campagne de vaccination. Selon l’OMS, pourtant à l’origine de cette campagne, la France n’est pas un pays à forte endémie. En effet, seulement 0,68% de la population française est porteuse du virus, soit 100 000 personnes. Parmi elles, 90% guériront sans aucun traitement. Mais il ne faut pas oublier que l’hépatite B reste une maladie mortelle. Les victimes du virus décèdent de cirrhose ou de cancer du foie. Triste analogie : selon l’Inserm, l’hépatite B tue autant que le sida, soit environ 1 000 personnes par an.

Quels sont les risques liés à la vaccination ?

Gérard Foucras comptait bien profiter de sa retraite. En 1996, sur les recommandations de son médecin, il se fait vacciner contre l’hépatite B. Il envisageait de se rendre dans un pays à forte endémie. Il mourra trois ans plus tard, paralysé en raison des suites d’une sclérose en plaque latérale amyotrophique. Pour sa veuve, Lucienne, il ne s’agit pas d’une coïncidence. Pour certains spécialiste, non plus. Des associations de victimes –supposées- du vaccin se constituent pour alerter le gouvernement sur les risques liés à la vaccination. Parmi elles, le RevahB, le réseau Vaccin hépatite B, à, parmi les adhérent, recensé près de soixante-dix pathologies qui ont touché environ 2600 personnes. Selon ce réseau, le vaccin serait à l’origine de maladies neurologiques, dont la sclérose en plaque, rhumatologiques, hématologiques, musculaires, dermatologiques, ophtalmologiques, digestives, auto-immunes ou de cancers. L’origine de ces maladies n’est pas encore déterminée. Selon certaines hypothèses, le vaccin de l’hépatite B déclencherait l’apparition de maladies telles que la sclérose en plaques chez des sujets ayant des antécédents familiaux. Mais l’avancée des recherches ne permet pas encore de le certifier. En 1998, face à ces doutes persistants et à l’impopularité croissante du vaccin, le ministre de la santé, Bernard Kouchner, décide la suspension de la vaccination dans le milieux scolaire. La communauté des chercheurs et des praticiens reste en éveil, déchirée sur la question. A l’heure actuelle, aucune étude statistique n’a permis d’écarter ou d’établir le lien entre la vaccination anti-hépatique B et les maladies démyélinisantes (qui s’attaquent au système nerveux), comme la sclérose en plaques, qui on été constatées entre six mois et deux ans après la vaccination. L’étude du docteur Miguel Hernan a fait grand bruit lors de sa publication fin 2004 dans la revue Neurology. Ce médecin américain de l’école de santé de Harvard avait tenté de montrer que le risque de sclérose en plaques était multiplié par trois à la suite d’une vaccination contre l’hépatite B. Jusqu’ici, le coefficient qui liait sclérose en plaques et vaccin, dans de précédant rapports d’autres chercheurs, excédait à peine un. Après la publication de ces résultats alarmiste, le ministère de la santé convoque un comité technique des vaccinations. Comme le Comité consultatif mondial sur la sécurité des vaccins de l’OMS, il conclut à l’invalidité de rapport. A l’instar de chaque étude précédente tentant à établir un lien de causalité, celle =-ci ne repose pas sur un échantillon suffisamment représentatif. Celui du Dr Hernan n’est constitué que de onze malades. Autre écueil méthodologique récurrent : il est difficile de retracer avec certitude le passé vaccinal des malades atteints de sclérose en plaques. Cette invalidation des différentes études n’a pourtant pas écarté l’absence de relation entre sclérose en plaques et vaccins, ni apaisé les craintes. Surtout, depuis que l’Etat à reconnu certains cas de victimes du vaccins, dans le cadre d’une vaccination obligatoire pour les professionnels de santé. Depuis 1995, cent sept offres d’indemnisation ont été offertes à ces personnes « au titre de la responsabilité sans faute de l’Etat ». Pour le RevahB, la reconnaissance des victimes de la vaccination contre l’hépatite B ne s’arrêtera pas là. Elle doit aussi concerner toutes les personnes qui ont suivi les recommandations de la campagne. Les procès contre les laboratoires se multiplient, parmi lesquels neuf en pénal par les familles de victimes supposées, décédées des suites d’une vaccination. Jusqu’à ce jour, aucune procédure n’a débouché sur une condamnation.

Qui doit se faire vacciner ?

Face à la défiance de l’opinion publique et à celle des praticiens, la vaccination massive contre l’hépatite B n’est plus d’actualité. Désormais, la politique de vaccination se concentre sur les population à risque et sur les jeunes enfants. A partir de 1998, le ministère de la Santé suspend les vaccinations systématiques des élèves de 6ème.

Pour la direction générale de la Santé « la mesure prioritaire retenue est de protéger les personnes les plus exposées aux risques de transmission, après un bilan sérologique, si besoin, afin d’éviter toute vaccination inutile ».

En clair, les toxicomanes, les transfusés, les hémophiles, les dialysés sont les cibles prioritaires des nouvelles campagne, les bénéfices de la vaccination étant considéré plus importante que les risques encourus de contracter une sclérose en plaques ou autre pathologie. Les campagnes de sensibilisation se sont multipliées en direction des toxicomanes, une populations invisible, cachée, par conséquent difficile à atteindre. Dans cette optique, le projet d’une campagne de vaccination dans les Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud) est lancé au début de l’année.

Pour les personnes déjà vaccinées, une prise de sang (bilan sérologique) permet de faire le point sur l’état des défenses immunitaire et de juger de l’utilité d’une nouvelle injection du vaccin. Le cas des nourrissons reste un sujet épineux pour le ministère de la Santé. A partir de 2003, la vaccination des enfants dès deux mois est recommandée. Les jeune sujets présenteraient peu de risque de développer des maladies démyélinisantes du type de sclérose en plaques, dans la mesure où, très jeune, ils ne disposent pas encore, dans leur système nerveux, de myéline centrale, substance détruite par la sclérose en plaques et qui amène à une paralysie de tous les muscles.

Etienne Rollet, directeur du Centre d’investigation, de traitement et d’expertise de la sclérose en plaques (Citesep) à l’hôpital Tenon à Paris, plaide pour la vaccination des enfants : « Il est préférable de se faire vacciner très tôt, explique le neurologue. Si, plus tard, l’enfant veut devenir infirmier, par exemple, et qu’il soit contraint, une fois adulte, de se faire vacciner pour exercer cette profession, il prendra a priori plus de risques. Il est également important de mettre en garde les patients qui connaissent des cas de sclérose en plaques dans leur famille. » Puis de reconnaître : « Le sujet reste mal connu puisque la sclérose en plaques ne touche que 0,6%o de la population française et qu’il n’existe aucune étude sur les apparentés de cette maladie qui ont reçu le vaccin contre l’hépatite B. »

Le cas du petit Acharf Diwane, au Maroc, a relancé les doutes concernant la vaccination des nourrissons. L’enfant vacciné avant ses 2 ans, a développé la maladie de Guillain-Barré, une pathologie qui le laisse atrophié et paralysé à vie. Cette maladie résulte de la destruction de la myéline périphérique du système nerveux. Sa famille a porté plainte contre l’un des laboratoires fabriquant le vaccin et a remporté le procès en appel. Le cas va passer devant la Cour de cassation au Maroc. Devant ce flou, il est préférable, après la première des trois injections du vaccin, de guetter les premiers symptômes d’une démyélinisation : fourmillement dans les membres et perte d’équilibre. Des signes assez anodins qu’il n’est pas évident de déceler.