Les secrets de la pédagogie Montessori

19 février 2008  |  dans France, Société

Maria Montessori

Maria Montessori

Un jardin d’enfants silencieux, des enseignants qui n’éduquent pas, une classe sans punition ? De quoi faire pâlir n’importe quel inspecteur de l’Éducation nationale. Et pourtant une cinquantaine d’écoles en France, 8 000 dans le monde, fonctionnent selon la pédagogie Montessori. Car la recette, vieille de 100 ans, continue de faire ses preuves.

Selon une étude américaine réalisée en 2006, à 5 ans, les écoliers obtiennent de meilleurs résultats en lecture et en mathématiques. À 12 ans, ils ont davantage d’imagination, un plus grand sens de la vie en communauté et de la justice. Une chercheuse française a également prouvé que les montessoriens s’adaptaient mieux à l’enseignement supérieur. Son évaluation révèle des niveaux d’anxiété et de dépression moindre et les étudiants obtiennent de meilleures notes. La clef de cette pédagogie très spéciale ? L’observation. Son inventeur, Maria Montessori, considère qu’aucun individu n’a le droit d’en éduquer un autre. L’adulte est donc relégué au rang de simple observateur. « Lorsqu’un enfant fait semblant d’écrire ou compte fictivement les marches des escaliers, je comprends que le moment est venu de lui proposer un jeu pour écrire ou compter », explique Andrea Bauer, éducatrice Montessori. L’adulte, qui n’a pas de bureau, montre alors à l’élève comment se servir du matériel puis se met en retrait. C’est le fameux « aide-moi à faire moi-même », préconisé par Maria Montessori.

Apprendre par les 5 sens

Chaque enfant apprend donc à lire, à écrire, à compter par lui-même, grâce à un matériel de découverte labellisé. Ces « jeux », uniques et très coûteux, sont le deuxième secret de la méthode Montessori. « Les élèves intègrent les unités de mesures, grâce à des barres de tailles différentes qu’ils placent dans les trous correspondants », explique Nicole Thomas, présidente de l’AMF. Dans les classes, que les montessoriens préfèrent appeler « ambiances », les plus petits intègrent les gestes de la vie quotidienne avec des jeux comme la chaussure à cirer, le linge à laver, la plante à arroser. « C’est le principe du développement humain par le corps. L’enfant absorbe les connaissances grâce à ses cinq sens. Il n’est pas guidé par l’enseignant, mais par les échecs et les succès de ses expériences », analyse François Jacquet Francillon, professeur en science de l’éducation à l’université de Lille II.

« Grâce à cette méthode, mon fils était beaucoup plus autonome que ses frères qui ont été à l’école classique. Des qualités qu’il garde encore aujourd’hui à 20 ans », raconte Pascale, 52 ans, mère de 3 enfants. Mais la manipulation de ce matériel serait moins efficace, s’il n’y a avait « la liberté de s’en servir » accordée aux enfants. Voila la troisième clef de cette pédagogie. Quand l’enfant arrive le matin, il prend dans l’armoire le jeu dont il a envie. Il part ensuite s’installer où il veut, comme il veut. Pas question de lui imposer une leçon à heure fixe, ni un pupitre donné encore moins de rester assis sur une chaise. Même technique pour les plus grands: « le jeune apprend l’existence des Mayas grâce à un poster, en général il veut en savoir plus. Il prend un livre sur le sujet et ensuite, s’il veut se tester, il prend le classeur d’auto-questionnaire », affirme la présidente de l’AMF. Cette confiance accordée aux élèves semble faire ses preuves : le lycée international Montessori affiche 100% de réussite au bac et 60% de mentions.

Pas de récompense, ni de punition

Photo : Benjamin Brink/The Oregonian

Photo : Benjamin Brink/The Oregonian

« On donne aux enfants l’envie de savoir, personne ne les force à ingurgiter des tonnes de données », affirme la directrice parisienne. Même constat pour Pascale: « Mon fils, Antonin, savait lire à 4 ans, c’est lui qui a demandé à apprendre. » Le respect et l’écoute de chaque enfant, c’est aussi pour cette raison que certaines familles choisissent Montessori. Selon le code, « chaque enfant est unique, il a ses rythmes, ses envies, sa personnalité ». L’éducateur ne peut donc ni le juger, encore moins dire du mal de lui. « Ma fille avait un retard de langage, mon fils était considéré comme hyperactif, insupportable et laissé de côté. A Montessori, il s’est senti à nouveau bien dans sa peau », peut-on lire sur des forums internet.

De nombreux enfants rebelles dans l’Education nationale, semblent donc trouver leur place à Montessori. Et puis, il n’y a pas de punition, ni de récompense dans ces établissements. Lorsqu’il fait une bêtise, l’enfant est censé s’auto-corriger. « Quand il casse une assiette, c’est un test pour lui. La prochaine fois, il fait plus attention, personne n’a besoin de lui dire », explique l’éducatrice. Les résultats de ce fonctionnement sont probants : « Comme il n’y a pas de notes, de réprimandes, de punitions, les enfants ne sont pas en compétition. Montessori pousse les enfants à s’entraider. Donc les classes sont calmes, il y a beaucoup moins de tensions », jure Andréa. C’est encore une autre clef de la pédagogie Montessori : le mélange des genres et des âges. Les « ambiances » sont divisées par tranche de 3 ans d’âge. (0 à 3 ans, 3-6, etc.) afin de permettre à chacun d’évoluer à son rythme.

L’entraide, une des lois montessorienne

Une manière pour les enfants précoces d’avancer plus vite, mais aussi pour les élèves handicapés de trouver leur place. Les plus grands aident les autres c’est un des principes phare. Autre originalité : de nombreuses écoles sont bilingues, ce qui leurs permet d’accueillir des élèves de tous horizons. « Nous avons 14 nationalités différentes, cela donne aux enfants une plus grande ouverture sur le monde », témoigne la directrice, Barbara Porter. Enfin, dernier secret de cette pédagogie très spéciale : l’implication des parents. « Il n’y a pas de cahier de correspondance entre nous, les éducateurs parlent de vive voix, ajoute Andréa. Lors des réunions, ils manipulent le matériel pour comprendre l’évolution de leur enfant. » Ils sont aussi encouragés à participer aux formations Montessori et appliquent la pédagogie à la maison. On l’aura compris, les secrets de cette méthode, plus surprenants les uns que les autres, continue de déstabiliser quiconque àa fait ses classes dans l’Éducation nationale. Pourtant, plus de cent ans après leur invention, les écoles Montessori continuent de convaincre et gagnent chaque année de nouveaux adeptes

Les points noirs de l’école Montessori

Les fausses écoles : Certaines écoles se prévalent de la pédagogie Montessori, alors qu’elles n’appliquent que quelques uns des principes. Chercheurs et montessoriens aguerris s’accordent à dire que cette méthode n’est valable seulement lorsqu’elle est appliquée dans son ensemble. L’AMF (association Montessori France) conseille, pour éviter les déconvenues, de se renseigner, de rencontrer les éducateurs et de visiter les ambiances avant d’y inscrire son enfant. La consultation de la charte Montessori sur le site de l’AMF peut être un bon moyen de vérifier si l’école respecte les critères (en ligne sur amf.fr).

Le coût : Pour beaucoup, c’est le principal point noir de l’Education Montessori. Ces établissements privés « hors contrat » ne sont pas adaptés à tous les budgets. Selon nos sources, il faut compter 300 ans euros mensuels voire plus. Toutefois, dans quelques cas il est possible d’obtenir une bourse, et certaines écoles prennent en compte les revenus familiaux. Les tarifs sont dans la plupart des cas disponibles sur les sites internet des écoles.

Les niveaux de scolarisation : En France il n’y a que très peu d’établissements qui scolarisent les enfants de la maternelle à la terminale. Une période de réadaptation au milieu scolaire normale est donc à prévoir et anticiper. Toutefois, les montessoriens sont réputés être de vrais caméléons, ils trouvent en général assez vite leurs nouveaux repères.