Strpce: le bureau de vote des réfugiés

16 mai 2008  |  dans International

Affiches électorales. Photo : Juliette Robert/Youpress

Affiches électorales. Photo : Juliette Robert/Youpress

Ici, la proclamation d’indépendance n’a jamais existé. Depuis ce dimanche matin, comme leurs concitoyens Serbes, les habitants de Strpce, une enclave au sud du Kosovo, se rendent aux urnes pour élire leurs députés. Dans cette municipalité, deux bureaux de vote sont réservés aux réfugiés…

7h30. Depuis une demi-heure déjà le bureau de vote à Strpce devrait être installé. Sans s’alarmer, les membres de la commission électorale accrochent la liste des candidats au scrutin législatif. Une quinzaine de militants sont assis le long des murs de l’école municipale pour vérifier le bon déroulement du scrutin… qui, à 8h00, n’a pas vraiment commencé. Le président du bureau de vote, un jeune Serbe, amuse la galerie. Près des urnes, les habitants prennent leur petit déjeuner, fument et discutent. Malgré l’importance de cette élection, la première depuis l’indépendance, l’ambiance est très détendue. Pourtant, la crainte d’une «attaque albanaise» est dans toutes les têtes… «C’est notre psychose, nous avons vu tant de crimes pendant la guerre. Nous avons peur que les Albanais nous chassent et nous tuent pour voler nos organes», affirme Natalia Milanovic, une mère de famille.

«Tadic nous a trahis»

L’enclave, encerclée par les check points de la KFOR, la force de l’Otan au Kosovo, compte 12 communes et 7.100 habitants. Située au pied des montagnes, cette «zone serbe» est célèbre pour sa station de ski. Mais depuis la guerre, les touristes de la station de sport d’hiver ont fait place aux militaires et au millier de réfugiés serbes en provenance de tous le pays. Ces derniers, anciens habitants des villes devenues «zones albanaises» rêvent de rentrer chez eux. Amassés dans 3 hôtels désaffectés de l’enclave, ces «déplacés» se rendent depuis ce dimanche matin dans les deux bureaux de vote réservés. «Tadic, le président serbe, nous a trahis avec l’Europe [ndlr: avec la signature de l’ASA au Luxembourg en avril 2008]! Ce n’est que par devoir, que nous allons voter», explique, les larmes aux yeux, un nonagénaire. Même constat désespéré dans toutes les chambres de l’hôtel des réfugiés. «Depuis le coup de poignard du président, les nationalistes radicaux gagnent du terrain», analyse Julka, une «déplacée». Pour les élections, la valse habituelle des tanks et des Jeeps de la KFOR s’est arrêtée. «Ce scrutin est libre, les Serbes ne doivent pas croire que la communauté internationale s’immisce», explique un soldat ukrainien de l’ONU.

Il est 12h30 dans le bureau de vote des réfugiés. A mesure que les électeurs arrivent, l’ambiance devient de plus en plus enjouée. Les blagues et les rires fusent, les gobelets de sodas circulent dans les rangs de la commission. Enfin, le président de la commission électorale de l’enclave vient contrôler. Pendant un quart de seconde, un silence respectueux s’installe dans le bureau de vote. Puis, le haut responsable finit par s’asseoir, se sert un verre de Coca. Les discussions reprennent. La fête peut continuer…

Leila Minano et Stephane Puccini