Gracanica, symbole du nationalisme serbe

16 septembre 2008  |  dans International

Photo : Juliette Robert / Youpress

Photo : Juliette Robert / Youpress

Depuis que l’évêque Artemije a transféré le siège de son évêché à Gracanica, son monastère du XIVe siècle est devenu un des centres spirituels les plus importants de l’Eglise orthodoxe serbe. Mais il est aussi un symbole pour les nationalistes, qui refusent l’indépendance du Kosovo.

Gracanica a l’allure des bourgades qui se sont trop rapidement transformées en ville. Ses trottoirs poussiéreux sont envahis de voitures et d’échoppes en tôle, et sa rue principale est devenue un boulevard à la circulation intense. C’est un petit îlot de Serbie au cœur d’un Kosovo albanais, gonflé par l’arrivée de milliers de réfugiés en 1999. De hauts murs séparent son prestigieux monastère de l’agitation urbaine. Une fois passée l’entrée, on découvre un havre de verdure. La petite église du monastère, construite en style byzantin au début du XIVe siècle, se dresse au milieu d’une cour pavée. Deux soldats de la KFOR gardent en permanence le site, classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 2006.

A l’intérieur, ses murs sont intégralement recouverts de peintures et d’icônes d’origine, qui n’ont pas toutes résistées aux outrages du temps. « Vous pouvez voir que les yeux de plusieurs personnages ont été crevés, c’est une trace laissée par les envahisseurs ottomans » nous explique une nonne. Mais l’église a survécu à la dernière guerre qui a ensanglanté la région.

Un lieu de passage obligé pour les politiciens en campagne

Les habitants des environs sont venus s’y réfugier, en 1999, pendant les bombardements de l’Otan. Et c’est ici que l’évêque Artemije, la plus importante figure religieuse du Kosovo, est venu s’installer quand les monastères du sud du pays ont été détruits. Gracanica est alors devenu le siège d’un des plus grands diocèses de Serbie. Notre interlocutrice, qui préfère garder l’anonymat, admet que l’arrivée de l’évêque a bouleversé le mode de vie des nonnes. « Nous recevons beaucoup de visites de diplomates, d’étrangers, de militaires. C’était beaucoup plus calme avant ». Mais quand elle parle de Mgr Artemije, ses yeux brillent.

L’évêque de Raska et Prizren est extrêmement respecté par ses ouailles. Opposant au régime de Milosevic, qu’il tient pour responsable de la radicalisation des indépendantistes albanais, il est aujourd’hui le principal représentant des Serbes du Kosovo. Une dimension politique qui a rejailli sur le monastère. L’endroit est devenu un passage obligé pour les politiciens nationalistes. L’ancien premier ministre Vojislav Kostunica y avait fait un déplacement controversé en juin 2006. C’est aussi le lieu qu’ont choisi les Serbes du Kosovo pour manifester leur opposition aux autorités de Pristina, comme lors de la déclaration d’indépendance en février.

Mais si les habitants de Gracanica ne peuvent vivre sans leur monastère, qui leur offre un soutien spirituel et matériel, l’inverse est également vrai. La présence des quelques 20.000 habitants de l’enclave est indispensable à la survie du monastère. Perdre Gracanica signifierait, pour l’Eglise serbe, la fin de sa présence au Kosovo, qu’elle considère comme son berceau d’origine.