Dragueurs en chaînes

20 octobre 2008  |  dans Culture, France

photo DR

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Les « émissions de drague » se multiplient à la télévision. Reflet de l’époque, la séduction y est directe et sans tabous.
En France, la séduction à la télévision a sa référence : Tournez Manèges. Entre 1985 et 1993, l’émission présentée par Evelyne Leclercq fit la gloire des midis de TF1. Des célibataires séparés par une mince cloison tentaient de prouver que l’amour est bien aveugle.

Les moments cultes y furent légion, comme la réponse de ce jeune homme à la question : « êtes-vous capable d’un amour platonique ? »… « Ah non, moi je suis carrément tonique ». Charlie Oleg ponctuait ces échanges de notes romantiques sur son orgue Bontempi. Toute une époque ! Puis vinrent les débuts de la télé réalité et le Bachelor diffusé par M6. On y suivait un richissime bellâtre dans ses turpitudes métaphysiques : laquelle de ses prétendantes recevrait la rose, symbole de son amour ?

Désormais, la séduction à la française a pris le tournant du 21ème siècle. On drague à la télévision comme sur les sites de rencontre sur Internet ou les soirées speed dating. Rapidement et directement. Depuis quelques années des « dating shows » (émissions de drague), la plupart du temps américaines, foisonnent sur les jeunes chaînes de la TNT et font des records d’audience. Le fer de lance de cette nouvelle génération de shows de séduction, c’est Next. Depuis janvier 2008, sur Virgin 17, a débarqué le Next Made in France. Adaptée, au mouvement de caméra près, de la version américaine, l’émission débute par, une présentation sommaire de la personne à séduire, fille ou garçon : un détail physique, une anecdote, sur le principe d’une fiche de site de rencontre. Par exemple : « Elisa possède 800 parfums et passe deux heures dans son bain ». Arrive alors le bus où attendent patiemment les prétendants. Chacun aura sa chance de séduire… ou pas. Car le célibataire peut à tout moment d’un « next » (suivant) éliminer ceux qui ne lui conviennent pas. Trop petit, trop moche, trop mal habillé… certaines erreurs ne pardonnent pas et la personne peut-être zappée aussi vite que l’on ferme une fenêtre sur Internet. Les dragueurs, quand à eux, tentent de passer le plus de temps avec leur proie, car ils seront récompensés en cash. Chaque minute écoulée augmente leur cagnotte d’autant d’euros. Très scénarisée, l’émission est ponctuée d’une voix off spécialiste des rimes riches : « Elle veut être sa princesse mais les autres espèrent qu’elle va remonter dans le bus à coup de pieds dans les fesses ». Des dialogues écrits sont rejoués (mal) par les candidats pour donner une touche d’humour aux situations. Par exemple, ce candidat venant d’éliminer une prétendante : « Mon seul regret c’est que je ne sais pas si tu ne portais pas de culotte ». Peu envisageable à l’époque de Tournez manèges, l’émission propose aussi des versions gays et lesbiennes.

Sur la chaîne jeune TNT concurrente, NRJ 12, le carton se nomme 12 cœurs, c’est au Mexique que Stéphane Joffre, directeur des programmes de la chaîne a pêché ce « concept génial ». 12 célibataires, représentant chacun un signe du zodiaque, font connaissance lors de jeux de séduction. A la fin s’il y a un « kif » (le début d’une idylle) entre eux, les deux tourtereaux sont amenés à s’embrasser langoureusement au milieu du plateau. Apollons musclés et bimbos aux jupes courtes, on est souvent plus proche de l’île de la tentation que des liaisons dangereuses. Ici la drague est brute, comme en boite de nuit : une danse parfois très chaude, un baiser… emballé c’est pesé. Et ça cartonne. « Nous réalisons près de 4 fois plus d’audience que la moyenne des programmes de la chaîne » assure Stéphane Joffre. Le directeur des programmes explique le succès de l’émission : « Ca marche car c’est de la vraie télé : un miroir des jeunes adultes, pour qui la rencontre est très importante. C’est sexy et décomplexé. Nous n’imposons rien, les candidats auraient la même spontanéité dans la vie et les rencontres débouchent parfois vers de véritables histoires d’amour ». Reste à savoir s’il est nécessaire de passer par le petit écran pour trouver l’amour de sa vie… ou d’un soir.

Lorsqu’il s’agit de séduction, les émissions américaines rivalisent d’imagination, petit panorama.

Average Joe : La traduction littérale serait « Français moyen ». Sur ce principe des Américains dégarnis, bedonnants ou boutonneux tentent leur chance avec une reine de beauté
Date my mom (kiffe ma mère) : Dans cette émission le prétendant ne rencontre pas l’âme sœur, mais sa mère. Après avoir passé trois rendez-vous avec ses possibles futures belles-mamans, il fait son choix et peut enfin rencontrer la fille élue. Surprise garantie !
Parental Control : Ici, ce sont les parents qui décident. Comme ils ne peuvent pas supporter l’actuel petit(e)-ami(e) de leur fille ou de leur fils, ils tentent de lui trouver un remplaçant. Reste à savoir si l’indésirable finira par être éconduit.