L’école Beth Haya Mouchka : le fortin dans la « Cité »

14 octobre 2008  |  dans France, Société

Photo : Juliette Robert/Youpress

Photo : Juliette Robert/Youpress

Huit caméras braquées sur la rue Petit et la rue Hautpoul dans le 19ème arrondissement de Paris, un portail automatique, un commissariat à 200 mètres, une voiture de police qui passe tous les quarts d’heure. « De la vigilance, oui, mais pas d’obsession angoissante de sécurité », assure André Touloub directeur de l’établissement scolaire juif Loubavitch Beth Haya Mouchka.

Plutôt que de parler de sécurisation, l’homme à la barbe et au chapeau noir préfère parler d’une « philosophie qui sous-tend le projet » : « Le complexe a été pensé pour être ouvert sur la cité ». Le complexe de Beth Haya Mouchka, sorti de terre il y a 10 ans, regroupe sur tout un pâté de maison, un établissement scolaire juif accueillant 1600 élèves de la maternelle au lycée, une synagogue, une salle des fêtes et des commerces, parfois tenus par des membres de la communauté juive. La « cité », c’est le 19ème arrondissement, qui a fait parler d’elle au début de l’été lors de rixes entre des jeunes des communautés juives et afro-maghrébines. « Je ne ressens pas d’agressivité, a priori. Et puis, ce n’est pas la peine d’en parler, ça a été déjà fait », expédie André Touloub, avant de se raviser : « Mais personne ne sous-estime le problème. » Et encore moins les parents d’élèves qui veillent au grain. « Ils attendent toujours plus de sécurité, c’est comme pour le soutien scolaire », ajoute-t-il.

Il y a deux ans, le dispositif de vidéosurveillance a été amélioré suite à « des incidents teintés d’antisémitismes qui sont le fait de voyous ». Pour Yossi Bensoussan, responsable du fonctionnement des bâtiments, l’installation suit la seconde Intifada, et l’apparition de « nouveaux risques » comme les jets de pierre sur l’établissement, ou les insultes antisémites hurlées depuis des voitures qui passent en trombe devant le complexe. « Ah, ils y tiennent à la sécurité, les parents ! souffle le responsable. Et les caméras de vidéosurveillance sont devenues des incontournables. »

Désormais, les élèves franchissent le portail automatique de l’établissement sous l’œil roulant de la caméra-dôme et les abords du complexe sont sous la surveillance de sept autres caméras. Les images enregistrées en permanence sont retransmises dans le PC de sécurité de l’école. Coût de l’installation: 20 000 € financée par la fondation de la Mémoire de la Shoah. Trois vigiles se relaient 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 pour assurer la sécurité des bâtiments, garder un œil sur les écrans de contrôle et les allers et venues. D’ailleurs, ceux-ci sont limités au maximum. Cantine obligatoire, bibliothèque et gymnase dans l’enceinte du complexe : plus besoin de sortir dans la journée pour les élèves de Beth Haya Mouchka.

Mais cette surenchère de protection de semble pas suffire pour quelques parents. « Certains nous ont demandé d’équiper nos douze bus de ramassage scolaire de vitres pare-balle. Quand même…nous avons refusé », raconte avec un sourire Yossi Bensoussan. Sur les conseils du Service de protection de la communauté juive (SPCJV), structure mise en place par le CRIF, le Consistoire et le FSJU (Fond social juif unifié), les conducteurs des bus ont été équipés d’appareils photos numériques qu’ils utilisent en cas d’incidents. « Pour l’instant, ils ne s’en sont jamais servis », assure Yossi Bensoussan. Mais s’ils le devaient, les clichés seraient transmis au commissariat de police. Et de s’interroger : « ça suffit, non ? »