Militants en ligne de mire

2 mai 2009  |  dans Enquêtes

Militante grecque. Photo : Leïla Minano/Youpress

Militante grecque. Photo : Leïla Minano/Youpress

Militants anti-nucléaire, enseignants protestataires, magistrats en colère, postiers-syndicalistes ou responsables de communauté à Emmaüs, leurs combats sont différents, mais ils ont tous un point commun : ils sont poursuivis « en raison de leur engagement», jurent-ils. A l’occasion du 1er mai, TC enquête sur la criminalisation du mouvement social et part à la rencontre de ces nouveaux délinquants de la solidarité.

Quand il part en manif’, il a toujours une cible collée sur son T-shirt. Pour cause : il est le facteur le plus recherché du pays. Olivier Besancenot ? Avec une convocation au commissariat et un placement sur écoute, le porte-parole du NPA, aurait pu remporter le titre. Mais non, « le postier le plus célèbre de France » n’arrive qu’en deuxième position. C’est un anonyme qui a soufflé la médaille : Gaël Quirante, 32 ans, facteur à Levallois-Perret et délégué du personnel SUD-PTT. Le palmarès est édifiant : deux convocations au commissariat, trois mises à pied, quatre entretiens préalables au licenciement. Motifs? « Menaces, insultes sur chef d’établissement », « exercice illégal du droit de grève », « perturbation d’un centre d’hygiène », « prise de parole non autorisée et refus d’obtempérer ». Dernier grief en date : « port d’un T-shirt pacifiste ».

Comme lui, de plus en plus de militants syndicaux, politiques ou associatifs sont inquiétés ou poursuivis par la justice dans le cadre de leur engagement. Ce sont les nouveaux délinquants de la solidarité. L’histoire de Gaël mérite toutefois d’être citée. Car le jeune salarié n’aurait pas décroché la coupe du « postier le plus recherché de France », s’il n’avait pas été convoqué, en janvier dernier au… 36, quai des Orfèvres. Les locaux de la brigade criminelle anti-terroriste. Le responsable départemental qui en temps normal n’a pas froid aux yeux, reste choqué par l’aventure. Il raconte son cauchemar : «Alors que je rentre chez moi, de retour de congés, j’écoute mon répondeur, un commandant me demande de me présenter là-bas afin ‘d’éclaircir une affaire’. Je découvre aussi une lettre signée de la brigade qui me dit de me présenter sur place au plus tôt ». Le syndicaliste n’en dort pas de la nuit. Accompagné de son avocat, il rappelle le commandant le lendemain matin. Ce dernier lui explique « qu’un corbeau l’a désigné dans une lettre anonyme » comme étant le coupable de la menace d’attentat aux Printemps-Haussmann, le 16 décembre dernier.

« Environné pendant deux jours »

Gaël Quirante

Gaël Quirante

Le policier lui précise également qu’il a été « environné pendant deux jours » et qu’ils « ont pisté son téléphone portable pour vérifier s’il n’était pas sorti du département des Hauts-de-Seine le jour en question ». Le lundi d’après, Gaël se présente dans les locaux de la brigade. Les policiers lui montrent la lettre en question : « une feuille A4 où il y avait écrit ‘Gaël Quirante, attentats du Printemps Haussmann, 16 décembre et mon adresse personnelle’, témoigne le syndicaliste. Selon les policiers, le courrier délateur aurait été posté depuis le centre de tri de Nanterre (92). Le salarié pense immédiatement à son engagement syndical et se demande si il n’a pas été dénoncé par un responsables de La Poste en raison du mouvement de grève qui s’organise à ce moment là (et qui se poursuivra pendant 70 jours), mais ce dernier refuse de « porter de fausses accusations ». Alors, sur les conseils de son avocat, il porte plainte pour « dénonciation calomnieuse » et ce malgré les tentatives de dissuasion des policiers qui lui assurent que « cela va être compliqué car trop de monde a touché le courrier en question ».

Trois mois après ces évènements, le facteur de Levallois n’a toujours pas de nouvelles de sa plainte, ni du parquet, concernant sa convocation. « Ils ne se sont même pas donné la peine de me joindre. J’ai juste appris par la presse que j’avais été mis hors de cause », dit-il. Pour autant, le syndicaliste n’en a pas fini avec les batailles juridiques : après avoir été convoqué au commissariat avec Olivier Besancenot et le délégué CGT des postiers du 92 (Hauts de Seine), il est de nouveau sous le coup d’une mise à pied pour « prise de parole non autorisée ». Le cas de Gaël n’est pas isolé et les convocations de militants pour faits de terrorisme sont dans l’air du temps. Avec l’affaire de Tarnac (cf : encadré) en point culminant. C’est à 8h00 du matin, au saut du lit, que les forces anti-terroristes sont venues cueillir Stéphane Lhomme, président de l’association Sortir du Nucléaire.

Stéphane Lhomme

Stéphane Lhomme

« Une dizaine de policiers bordelais sont venus frapper à ma porte et une dizaine d’autres, membres des forces anti-terroristes, sont passés par les toits au cas où je voudrais m’enfuir… mes voisins ont halluciné ! », se rappelle le militant. L’appartement du président sera fouillé de fond en comble et il sera placé en garde à vue pendant sept heures, chez lui. L’objectif des forces de l’ordre : retrouver la personne d’EDF qui lui a transmis un dossier classé « confidentiel défense » où des experts constatent que l’EPR, le réacteur nucléaire de troisième génération, n’est pas conçu pour résister à un crash d’avion. Ils ne trouveront rien. Pendant trois ans, l’enquête de la brigade anti-terroriste qui va même jusqu’à mettre le militant sur écoute téléphonique, piétine. Le 17 mai 2006, les forces de l’ordre se décident finalement à le poursuivre pour « compromission du secret de la défense nationale » (5 ans de prison et de 75 000 euros d’amende). Rebelote. Nouvelle garde à vue : « Cette fois, j’ai littéralement été soumis à la question, on a tenté de me déstabiliser en me faisant descendre, puis remonter en cellule, sans arrêt ». Quelques heures après Stéphane est de nouveau relâché… jusqu’au 25 mars 2008.

« Je me suis fait engueuler par les policier »

Le président de Sortir du nucléaire est de nouveau convoqué par la DST, et encore placé en garde à vue. « Ils m’ont expliqué que la dernière fois je n’avais fait que quinze heures et donc que ma garde à vue pouvait ‘reprendre encore pendant dix heures’ ». Du jamais vu selon son avocat. Mais cette fois le ton monte. « Je me suis fait engueuler par les policiers, ils m’ont dit ‘tu n’es rien, juste un anti-nucléaire, tu ne cherches qu’a nuire !’ Et aussi que je n’étais pas un vrai militant parce que je n’assumais pas mes actes’ en refusant de donner ma source ». Selon lui, les policiers «ont tout fait pour l’intimider ». Aujourd’hui, malgré les multiples courriers de son avocat, Stéphane Lhomme n’en sait pas plus sur son dossier. « Peut-être serais-je encore convoqué dans 6 mois ?», s’interroge l’anti-nucléaire. «Ils font peser une épée de Damoclès sur ma tête pour me dissuader de militer ».

Mais Stéphane ne renonce pas, il affirme que cette affaire l’a rendu encore plus déterminé. Ce n’est pas l’avis de son entourage : « c’est vrai que mes collègues, me disent sans arrêt de faire attention depuis cette affaire, alors ça fait réfléchir », admet le président. Pour Emmanuelle Perreux, présidente du Syndicat de la Magistrature ce type de procédés « a pour but de décourager, de faire peur aux militants. On vous arrête pour une infraction quelconque», ajoute la juge, «on vous place en garde à vue pour quarante-huit heures, mais on ne vous poursuit pas forcément en justice. Mais vous êtes choqué, voire traumatisé ». Les militants réfléchissent ensuite à deux fois avant de s’engager une nouvelle fois dans une action de protestation. Selon la porte-parole, les forces de l’ordre se servent aussi du délit de refus de prélèvement d’ADN pour inquiéter les manifestants. « Par exemple on va arrêter un militant anti-OGM pour dégradation mais comme il n’y a aucune preuve contre lui on va le poursuivre pour refus de prélèvement », raconte-t-elle. « Cela s’appelle une politique dissuasive, on se sert de poursuites pénales à des fins policières », conclut la magistrate.

« Je faisais confiance à la police… »

Contrairement Gaël et à Stéphane, militants chevronnés, Clément Ominus, ne retournera pas de si tôt en manifestation. Il ne se remet toujours pas de son interpellation, lors d’un rassemblement devant son université, le 26 mars dernier. Chargé de TD à la Sorbonne en histoire et doctorant, Clément suit le mouvement des chercheurs depuis le début, mais n’est ni syndiqué, ni politisé. « Je n’ai rien compris, les CRS m’ont interpellé, menotté et m’ont dit ‘si jamais tu gueules quelque chose on te casse les dents’. Lorsque je me suis retrouvé au poste de police, je croyais à une confusion car l’on m’accusait d’outrage, plus précisément d‘avoir jeté des bouteilles de bières sur les forces de l’ordre, affirme le jeune enseignant». C’est pour cette raison que Clément n’appelle pas un avocat lors de la garde à vue.

Manifestation étudiante. Photo : Leïla Minano/Youpress

Manifestation étudiante. Photo : Leïla Minano

« Toute la nuit, les policiers m’ont empêché de dormir, ils venaient me chercher tout le temps dans ma cellule, pour des empreintes d’ADN, des photos, un éthylo-test parce que j’avais soi-disant jeté des bouteilles », raconte le doctorant, encore très choqué. Le lendemain matin, suit la confrontation avec le CRS en question : « C’était affreux, je ne savais pas de quoi il parlait et eux ils me criaient dessus, ils me disaient ‘on n’est pas ici pour prouver ton innocence’, ils essayaient à tout prix de me faire dire que j’avais lancé la bouteille… Je suis normalien agrégé, et je suis républicain, je fais… enfin je faisais confiance à la police, vous croyez vraiment que je m’amuse à lancer des bouteilles sur eux ! ». Selon Clément les provocations suivent : « C’est pas un doctorat d’histoire que tu aurais dû passer, mais un diplôme de droit, ça c’est pas pour les pochtrons ! ». Les policiers finiront par lui faire croire qu’il est obligé de donner le code PIN de son téléphone portable. Aujourd’hui, Clément a décidé « d’arrêter les manifestations », il essaye de collecter des témoignages, des photos, des vidéos pour prouver son innocence. Car « comment prouver que je n’ai pas jeté de bouteille de bière ? », s’interroge le jeune doctorant, qui risque son poste en cas de condamnation.

Poursuites pour outrage : 80% de hausse

«Il y a une multiplication des poursuites pour outrage (« les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressées à une personne investie d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de sa mission et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect de la fonction dont elle est investie »), contre les militants dans le cadre des manifestations», constate la présidente du syndicat de la magistrature. C’est assez nouveau, les forces de l’ordre l’utilise de plus en plus souvent contre des syndicalistes ». D’ailleurs, l’Observatoire national de la délinquance, constate une augmentation de 80% des plaintes pour outrage en 10 ans. En 1996, 17 700 plaintes étaient enregistrées contre 31 800, aujourd’hui. Si on note une stabilisation ces deux dernières années, selon les chiffres que nous nous sommes procurés, les condamnations sont de plus en plus sévères. Le nombre de peine d’emprisonnement pour outrage est passée de 12 953 en 2002 à 15 426 en 2006 (source : ministère de la justice).

Hervé Eon

Hervé Eon

C’est également d’outrage qu’Hervé Éon dont l’histoire a largement été reprise par la presse, a été accusé. Ce militant du Front de Gauche et de Réseau Education Sans Frontière avait été poursuivi pour avoir brandi une pancarte sur le passage du cortège présidentiel à Laval. Une pancarte au texte évocateur : « Cass’toi pov’ con ! », en référence à l’altercation de Nicolas Sarkozy avec un visiteur au salon de l’agriculture en 2007. « Alors que j’étais sur mon vélo sur le trajet de la voiture présidentielle, deux motards de la police m’arrêtent parce qu’ils se doutaient que j’allais faire quelque chose: je suis un militant assez connu sur Laval. Ils me neutralisent sans me bloquer le bras droit… J’en ai profité pour sortir ma pancarte, juste quand le véhicule est passé », raconte Hervé. Le militant lavallois est immédiatement arrêté et placé en garde à vue. Il sera déféré devant le tribunal correctionnel le 28 octobre 2008. Sanction : 30 euros d’amende avec sursis. Malgré la légèreté de la peine, l’ancien directeur d’un centre d’hébergement d’urgence, refuse la condamnation. Il entame en ce moment une procédure devant la Cour de cassation, car le militant politique souhaite obtenir le renvoi devant la Cour européenne des droits de l’homme pour obtenir la suppression de ce délit. Pour le militant, sa bataille judiciaire est un acte politique. Car « c’est la liberté d’expression qui est en jeu ! », clame l’outrageur.

« J’ai été arrêté car j’étais un manifestant actif »

Plus que la liberté d’expression, c’est l’emploi de Rodolphe Juge, 26 ans, qui était en jeu, dans son procès contre deux policiers. Cet enseignant de mathématiques en lycée n’était pas encore titulaire lorsqu’il a été arrêté pendant une manifestation contre les suppressions de postes au printemps 2008. Rodolphe est accusé par deux policiers d’avoir jeté des pierres sur les forces de l’ordre durant le défilé. Le syndicaliste de la CGT, très vite soutenu par de nombreuses organisations et des députés, clame son innocence. Mais le recteur de son académie fait suspendre sa titularisation, car si l’enseignant est reconnu coupable de violences il ne pourra plus exercer. Pourtant, le dossier qui l’accuse est vide, au point que le procureur de la république demandera la relaxe immédiate, lors de son procès en septembre dernier. « La juge a même ridiculisé les policiers, qui ne se sont d’ailleurs pas présentés à l’audience, en se moquant des éléments contradictoires décrits dans le procès verbal », raconte Rodolphe.

Manifestation RESF

Manifestation RESF

En réalité, le jeune homme est convaincu d’avoir été arrêté parce qu’il était « un manifestant actif » ce jour là. « Je suis syndicaliste, je m’occupe d’assurer la sécurité dans le défilé, de faire en sorte que tout se passe bien, notamment pour mes élèves qui étaient dans la manif’ », explique-t-il. Depuis sa relaxe, Rodolphe a été titularisé, mais il jure qu’il ne s’y fera plus prendre : chaque fois qu’il part défiler il fait attention à ce que la sécurité dans les cortèges soit assurée par plusieurs personnes. Afin de n’être plus une « cible évidente » pour les forces de l’ordre. Toutefois le militant ne se fait guère d’illusions : « la dernière fois j’ai été arrêté alors que je n’avais rien fait, alors s’ils veulent me prendre, ils trouveront bien une raison… ».

« C’est toute la société qui est criminalisée »

Pierre Tartakowski, vice président de la Ligue des Droits de L’homme, a l’habitude d’entendre le récit de ces militants poursuivis en justice. Son organisation, parmi d’autres, a d’ailleurs lancé un appel au début du mois pour la suppression du délit de solidarité, qui vise notamment les « aidants » aux sans papiers. Un appel qui s’est soldé par un rassemblement le 8 avril dernier, de 20 000 manifestants, dans 92 villes, qui se sont constituées prisonnières car coupables de ce « délits de solidarité ». Mais pour le responsable associatif, ce ne sont pas seulement les militants qui sont visés, « c’est toute la société qui est criminalisée ». « Ces dernières années, un certain nombre de lois ont pour but de responsabiliser les individus en tant que tel, analyse-t-il. On peut vous arrêter pour un rassemblement dans un hall d’immeuble, et même pour avoir filmé des violences policières avec un téléphone portable en détournant la loi sur le happy slapping. C’est toute la société qui est concernée par ce maillage législatif. Quoi qu’on fasse, aujourd’hui, on devient plus ou moins coupable de quelque chose et donc passible de poursuites».

« Concernant les militants, poursuit-il, je ne sais pas s’il y a une augmentation de la répression car il n’y a pas de chiffres, mais ce qui est certain c’est qu’il y a un alourdissement de l’arsenal législatif qui visent à les intimider ». Obtenir des chiffres sur les mises en causes de militants se révèle en effet une opération délicate. Le ministère de la justice, affirme qu’il ne dispose pas de statistiques classées « par auteur ». Même réponse du côté des services de police, interrogés également. Toutefois, Fabien Jobard, chercheur au Centre de recherches sociologiques sur le droit des institutions pénales et au CNRS-ministère de la justice, s’est livré à un exercice intéressant…

« Oui, la justice est plus sévère qu’avant »

Le chercheur a examiné les sanctions qui frappent les auteurs d’infractions à dépositaires de l’autorité publique (IPDAP), prononcées par le tribunal de grande instance de Seine-et-Marne entre 1965 et 2005. Car c’est souvent pour ce type d’infractions que les militants sont poursuivis. Que montre cette recherche ? « D’abord, les IPDAP constatées et jugées sont toutes deux en hausse considérable depuis la moitié des années 1990, estime le spécialiste. Plus particulièrement depuis le début des années 2000 ». Ensuite, « la justice prononce des peines de plus en plus lourdes : la part des peines de prison était un peu supérieure à 10 % des sanctions en 1985-1994, elle avoisine aujourd’hui les 20 % ». A cela s’ajoutent « les intérêts civils payés par les condamnés, car, aujourd’hui, les policiers se constituent partie civile à l’encontre de près des deux tiers des prévenus, pratique quasiment inusitée il y a de cela seulement quinze ans ». Toutefois, l’augmentation de la sévérité des sanctions pourraient être imputable à l’augmentation des violences contre les forces de l’ordre, dans les cortèges ou ailleurs. A cela, le chercheur répond clairement « Non. La part des violences parmi les IPDAP diminue ». Et de conclure : « oui, la justice est plus sévère qu’avant, oui, elle est plus sévère qu’avant à l’égard des récidivistes, auxquels elle réserve un traitement spécifique, la comparution immédiate, qui se traduit par une chance sur deux d’écoper d’une peine d’emprisonnement ferme ».

En garde à vue pour avoir hébergé un sans-papiers

Kamel Fassataoui

Kamel Fassataoui

A Emmaüs, la pression contre les salariés et les bénévoles se fait sentir aussi. « La menace pèse toujours et de plus en plus, on ne sait jamais ce qu’il peut arriver », affirme-t-on au siège de l’organisation. Après les contrôles d’identités de plusieurs compagnons et l’arrestation du responsable de la communauté d’Emmaüs Marseille « pour avoir hébergé un sans-papiers », Emmaüs a décidé d’informer ses membres sur leurs droits, sur les différentes lois « qui se multiplient sans cesse notamment sur l’immigration. Afin de protéger les militants, mais aussi de les rassurer ». «On n’a pas fait de sondage, continue le responsable de la communication de l’organisation fondée par l’Abbé Pierre, mais on s’aperçoit dans les discussions que c’est une question qui inquiète, cela alourdit le quotidien. Cette menace qui pèse sur la tête des compagnons, cela a un impact sur la sérénité des bénévoles qui vivent dans la peur de se voir arrêter par la police».

C’est ce qui est arrivé à Kamel Fassataoui, responsable d’Emmaüs Marseille, arrêté le 17 février dernier. «Un compagnon sans-papiers, avait été interpellé et placé en centre de rétention, explique Kamel. J’ai ensuite été convoqué au commissariat et on m’a placé en garde à vue. J’étais abasourdi ». Les policiers interroge le responsable de la communauté sur l’organisation interne d’Emmaüs, l’organigramme, le chiffre d’affaire etc. « Tout ce qu’ils auraient pu trouver en allant sur notre site internet, car nous n’avons rien à cacher. Mais je crois que leur objectif était de prouver qu’Emmaüs était une organisation de passeurs de sans-papiers ». Ensuite, les brigadiers proposent au responsable de communauté de l’accompagner pour perquisitionner à la communauté. Devant la secrétaire désemparée, les policiers fouillent le bureau du responsable, et finissent par demander « les dossiers des compagnons dont les noms ont des consonances étrangères ». Impossible de refuser. Aujourd’hui, Kamel reste marqué par son expérience même s’il jure qu’il continuera a assurer « l’accueil inconditionnels des plus souffrants, qu’ils aient des papiers ou non ». A la question de savoir s’il a peur, Gaël Quirante, le postier-terroriste, répond : « On est des militants, on n’a pas le droit d’avoir peur. Il y a des trop de gens qui comptent sur nous ».