Adoption en Haïti : Le mystère de Simon, arnaques et pognon

9 septembre 2010  |  dans Enquêtes

Causette#8_Haiti-1web Après le séisme du 12 janvier, les drames de l’adoption haïtienne se sont affichés partout. De la misère des enfants à la détresse des futurs parents, en passant par les revirements du gouvernement français, c’est avec beaucoup d’émotion qu’on a traité la question. Les familles ont-elles confondu humanitaire et adoption ? L’État est-il coupable de non-assistance à enfants en danger ? Accélérer les procédures d’adoption vers la France ou les stopper – pour éviter les trafics – que fallait-il faire ?
Sincèrement, après une enquête approfondie, Causette n’a pas réussi à trancher. La seule certitude, c’est que dans ce chaos, ces enfants sont les plus vulnérables. La tête à peu près froide, de Port-au-Prince à Paris, Causette revient sur quatre mois de confusion.

Le petit Simon, en tee-shirt rouge et bermuda vert, parmi les autres enfants, le 20 janvier 2010, quelques jours après le séisme. Photo : C. Fohlen

Le petit Simon, en tee-shirt rouge et bermuda vert, parmi les autres enfants, le 20 janvier 2010, quelques jours après le séisme. Photo : C. Fohlen

C’est une histoire exemplaire : Simon, 3 ans, en cours d’adoption par un couple de Français au moment du séisme, serait « mort, faute de soins, le 18 mars, à l’hôpital de Pétionville des suites d’une infection pulmonaire ». Voilà ce qu’on a pu lire dans les journaux sur ce qui est devenu « l’affaire du Petit Simon ». Mais comment en être sûr ? Il n’y a pas de vrai certificat de décès (celui délivré ayant été reconnu comme un faux), pas d’acte d’inhumation… Quant au procès-verbal de l’enquête haïtienne, — dont Causette a eu lecture exclusive —, les gendarmes français y révèlent des témoignages très contradictoires sur ce « décès ». Et si le petit Simon n’était pas mort ? Et s’il n’avait jamais été hospitalisé ? Et s’il ne s’appelait pas Simon, mais Simon-Jephté ? Autant d’interrogations autour de la disparition de ce petit Haïtien, devenu, en France, le symbole du combat pour l’accélération du rapatriement des enfants adoptés.
Une seule certitude demeure : le garçon a disparu du Coeur de Marie, l’orphelinat où il se trouvait depuis deux ans. « L’affaire du petit Simon » est à l’image de ce qu’il se passe en Haïti depuis le 12 janvier : le chaos du séisme, des erreurs politiques, des arnaques, des victimes, parents et enfants, et de l’émotion. Beaucoup d’émotion. C’est aussi une partie de la réponse à la question que tout le monde se pose : la France aurait-elle dû rapatrier tous les enfants adoptés ? Et par là, porte-t-elle la responsabilité de la disparition du petit Simon-Jephté ?

Les orphelinats dans le chaos du séisme

Photo : Corentin Fohlen

Photo : Corentin Fohlen

Mercredi 13 janvier. Les Haïtiens découvrent le désastre d’un séisme historique au coeur d’une capitale de quatre millions d’habitants. Les orphelinats, comme les habitations, les tribunaux, les ministères et les administrations, sont à terre. À l’intérieur et quelquefois sous les décombres, un millier d’enfants en cours d’adoption par des Français. Au Coeur de Marie, l’orphelinat de Simon-Jephté, les bâtiments n’ont pas résisté aux secousses. Les enfants jouent à même le sol, dans la cour, sous une bâche. Certains, choqués, refusent de parler. Simon (que nous avions alors rencontré), plus tranquille que les autres, s’amuse dans un coin avec une petite chaise en bois. « Personne ne nous vient en aide », se plaignait à l’époque la directrice de crèche (orphelinat pour les enfants jusqu’à 8 ans), Ariane Rubino. Une semaine plus tôt, Emmanuela, 2 ans, en procédure d’adoption, est décédée. « Quand je l’ai emmenée à l’hôpital – plusieurs jours après le séisme – il était déjà trop tard, il n’y avait pas de médicaments pour la sauver », sanglotait la directrice. En une phrase, elle mettait déjà en cause la responsabilité du Quai d’Orsay : « Il ne reste plus que les enfants français ici. Ce drame aurait pu être évité… »
Au lendemain du séisme, contrairement aux pays qui évacuent tous « leurs » enfants, la France choisit une procédure de rapatriement d’urgence sélective des enfants ayant eu un jugement d’homologation (une décision du
juge local qui valide l’adoption). Autrement dit, la procédure habituelle est raccourcie de moitié, mais n’est pas totalement supprimée (comme le font les États-Unis ou le Canada). Cette accélération permettra à 372 enfants sur un millier en cours de procédure de partir dans le mois qui a suivi le séisme, soit six fois plus qu’en temps normal.

Le cri d’alarme des psychologues

Photo : Corentin Fohlen

Photo : Corentin Fohlen

Mais le 18 février, le Quai d’Orsay annonce brutalement l’arrêt des rapatriements d’urgence. Ce changement de
politique résulte d’une bataille engagée par des psychologues et des psychiatres au début des rapatriements. L’état psychique des enfants effare les spécialistes de santé. « Les premiers vols ont été très marquants », témoigne Vincent Fournel, le psychiatre responsable de la cellule d’urgence en Guadeloupe où transitaient les enfants rapatriés. « On constatait des manifestations psychologiques jamais vues par la plupart d’entre nous. Les enfants étaient dans un état de stupeur, hagards, avec des manifestations comportementales de balancement. Certains se tapaient la tête par terre ou contre les murs. » Selon le psychiatre, ces signes de traumatismes multiples sont liés tant au séisme et au chaos haïtien qu’au rapatriement d’urgence. De l’autre côté de l’Atlantique, Hélène Romano, psychologue référente de la cellule d’urgence à Orly, supervise la rencontre des enfants traumatisés avec leurs parents adoptifs, souvent épuisés par l’angoisse. Si certaines rencontres se passent bien, d’autres sont calamiteuses. Des parents déchirent la lettre d’une mère biologique, d’autres interpellent d’emblée leur enfant par son nouveau prénom et un couple s’inquiète d’attraper la gale au contact de leur petit. Un père secoue violemment son enfant pour faire cesser ses pleurs. Dans une lettre alarmiste adressée à l’ambassadeur des Droits de l’Homme, François Zimeray, quatre spécialistes de l’enfance et de la santé dénoncent ces adoptions de l’urgence, qui « compromettent le processus adoptif, mais aussi l’avenir psychologique des enfants et, au pire, peuvent conduire à une maltraitance physique et psychique de l’enfant ». Après le cri d’angoisse des familles, le Quai d’Orsay répond au cri d’alarme des psychologues. Une mission d’experts de la santé est envoyée en Haïti pour examiner l’état physique et psychique de 117 enfants initialement concernés par le dispositif d’urgence. À défaut de pouvoir organiser la rencontre des enfants avec leur famille en Haïti, un sas d’accueil est créé en Guadeloupe, qui favoriserait en milieu créolophone une rencontre apaisée et encadrée par des professionnels de santé.

La détresse des parents

Photo : Corentin Fohlen

Photo : Corentin Fohlen

Le collectif SOS Haïti Enfants Adoptés, une association de 900 parents – dont la majorité n’ont pas de jugement d’homologation – montée au lendemain du séisme, crie au scandale face à ce revirement inattendu. À l’expertise des psys, les parents adoptants répondent par la détresse, encore plus médiatisée. Certains accusent carrément le Quai d’Orsay de « sacrifier » les bambins sur l’autel de la politique. L’angoisse des parents vis-à-vis de « leurs » enfants blessés, malnutris, malades s’étale dans toute la presse. Les élus locaux et nationaux envoient des centaines
de lettres de soutien aux familles. « Pour certains enfants, je reçois dix lettres de députés différents », témoigne Jean-Pierre Guegan, consul de France en Haïti qui a, sur ordre du Quai, concentré son activité sur le problème de l’adoption uniquement. À l’instar du collectif, des dizaines d’associations, des forums, des blogs, des groupes Facebook se montent. Leur cible principale : le Quai d’Orsay. Pris entre la colère des parents et l’alerte des psys, le Quai d’Orsay maintient sa position. Une source diplomatique nous confie : « C’est le fonctionnement du système de l’adoption en Haïti qui a provoqué une telle émotion ». En effet, la procédure haïtienne permet aux parents de s’adresser directement aux crèches, sans passer par des organismes agréés (adoption de procédure individuelle). À réception d’une demande, chaque directrice envoie aux parents une photo de l’enfant qu’elle a choisi pour eux (c’est « l’apparentement »). « À partir de ce moment-là, les familles considèrent que cet enfant est le “leur”, alors que c’est faux. Il faut le jugement d’homologation pour qu’il soit légalement adopté, poursuit le Quai. Nous voulions aussi éviter qu’il y ait des erreurs causées par des départs précipités. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé quand un de nos enfants s’est retrouvé rapatrié aux États-Unis. » L’ambassadeur du SAI (Service d’adoption internationale) explique même que le Canada l’appelle sans arrêt « car ils ne savent pas comment donner un cadre juridique aux enfants rapatriés sans jugement ». Et, last but not least : « La position de Bernard Kouchner a aussi compté. Ce dernier pense qu’il faut s’occuper de tous les enfants haïtiens, pas seulement des adoptés. Avant tout, il faut faire en sorte que les petits restent dans leur famille biologique. » Voila pourquoi le Quai d’Orsay maintient le cap, au grand désarroi des familles, des directrices de crèches et quelquefois de… ses propres services.

La misère tarifée des directrices de crèches

Ariane Rubino, directrice de la crèche du Coeur de Marie, dans ses nouveaux locaux, mars 2010. Photo : Corentin Fohlen

Ariane Rubino, directrice de la crèche du Coeur de Marie, dans ses nouveaux locaux, mars 2010. Photo : Corentin Fohlen

Nous sommes à Port-au-Prince, dans le bureau de Didier Le Bret, ambassadeur de France en Haïti. Une partie du bâtiment ayant été détruit, les représentants de l’Hexagone, diplomates ou gendarmes, cohabitent, à l’étroit dans un même immeuble. Persuadée de rencontrer un fidèle soldat du Quai d’Orsay, mes questions « dérangeantes » et mon Bic au poing, je me prépare à engager la bataille stressante d’une interview-anti-langue-de-bois. Et puis… je range vite le tout dans mon sac à dos quand je m’aperçois que le diplomate n’a même pas besoin de questions pour parler. « Nous avons dû stopper les évacuations à cause de l’alerte des psys, commente-t-il. Je ne comprends pas cette décision, ces enfants étaient déjà traumatisés avant le séisme. À quoi s’attendaient-ils avec des enfants abandonnés par leurs parents ? Choqués par les secousses et les événements qui ont suivi ? » Selon lui, même les autorités haïtiennes voulaient que les enfants soient rapatriés. Et le jeune ambassadeur de vraiment s’énerver : « Attendre encore, c’est prendre le risque que les enfants soient les proies des trafiquants et que les parents se fassent encore arnaquer par les directrices de crèches qui leur réclament de l’argent. » Il est vrai que ce tremblement de terre aura au moins permis de montrer que l’adoption est un business florissant en Haïti. Les crèches, organismes privés, demandent aux parents de verser entre 6 000 et 10 000 euros pour entamer la procédure. Une somme servant à « couvrir les frais de dossier, d’avocat et d’entretien de l’enfant pendant les deux ans de la procédure », selon Emmanuelle Guerry, porte-parole du collectif SOS Enfants Adoptés. Mais c’est surtout une somme astronomique – 7 millions d’euros par an depuis 2002 – dans un pays où la majorité de la population survit avec moins d’un dollar par jour. Et même si un agrément est nécessaire pour tracter avec les parents français, la réalité des crèches labellisées2 est tellement diverse qu’il n’offre aucune garantie. « Certains enfants vivent à vingt dans une pièce unique, alors que les parents ont payé les 10 000 euros, argumente l’ambassadeur du SAI. En réalité, ces millions nourrissent un business indigne où toute une chaîne de personnes – directrices de crèches, avocats et fonctionnaires véreux – profite de la misère des familles haïtiennes. » Et d’ajouter : « 80 % des enfants en procédure ont toujours des parents biologiques et ne sont donc pas orphelins. » D’ailleurs, les familles biologiques restent souvent très présentes après l’abandon et certaines, inquiètes, ont rendu visite à leur enfant au lendemain du séisme. C’est ainsi que, selon un des témoignages du procès-verbal, la mère et la grand-mère de Simon-Jephté auraient été au chevet de l’enfant lorsqu’il rendait son dernier souffle. Une source diplomatique va même jusqu’à remettre en cause la validité de la procédure d’adoption, car la mère du petit garçon, toxicomane, n’aurait pas, en réalité, confié l’enfant à la crèche. C’est sa grand-mère qui aurait pris cette décision. Rien de très surprenant pour le responsable de l’Unicef en Haïti : « Il n’y a pas d’état civil ici, n’importe qui peut venir avec un enfant qui n’est pas le sien et le vendre à une crèche qui a reçu une demande d’adoption. » Selon l’ambassadeur et le SAI, les directrices de crèches auraient même profité de « l’aubaine » du séisme pour réclamer encore plus d’argent aux parents angoissés. « Ariane (la directrice de la crèche de Simon, Ndlr) a soutiré des milliers d’euros aux parents », a accusé Didier Le Bret. Même Bernard Kouchner, interrogé sur la mort du petit Simon, remet en cause l’honnêteté de la directrice qui « serait partie en vacances aux États-Unis » depuis quelques semaines, laissant les enfants seuls avec le personnel. Mais, si la directrice de la crèche d’Emmanuela et de Simon-Jephté est coupable, elle est loin d’être la seule responsable dans cette affaire. Car il est un fait indéniable : les 117 petits Haïtiens en procédure avec des Français, comme une grande partie des enfants du pays, sont toujours en danger en Haïti. Et pas seulement dans la crèche d’Ariane Rubino.

Les enfants en danger

Soeur Véronique, directrice de la crèche Notre-Dame-des-Victoires, mars 2010. Photo : Corentin Fohlen

Soeur Véronique, directrice de la crèche Notre-Dame-des-Victoires, mars 2010. Photo : Corentin Fohlen

Le Coeur de Marie qui, « grâce à la générosité des parents », a déménagé dans une maison gigantesque, fait figure de modèle aujourd’hui. Ailleurs, d’autres enfants en cours d’adoption vivent toujours sous des bâches et sont tombés malades. Certains jouent à quelques mètres des corps des autres petits, morts sous les décombres. D’autres encore ont tout bonnement disparu pendant plusieurs semaines. C’est ce qu’il s’est passé à la crèche Notre-Dame des Victoires, un orphelinat effondré où huit enfants sont en cours d’adoption par des Français. À la mi-mars, Emmanuelle, du collectif SOS Enfants Adoptés, est venue inspecter la crèche : « Nous prenons des informations pour les transmettre aux parents, ensuite nous faisons des comptes-rendus », explique la jeune femme. Alors qu’elle demande à soeur Véronique, la directrice, où se trouvent les enfants en procédure d’adoption pour les prendre en photo, celle-ci répond : « Il s’est passé quelque chose d’incroyable, six d’entre eux ont disparu. » Deux semaines auparavant, un médecin américain serait venu chercher vingt-trois enfants de la crèche (dont huit en procédure d’adoption). « Il m’a dit qu’ils étaient tuberculeux, et comme il avait un crucifix tatoué sur le torse, je l’ai laissé les emmener », justifie, plaintive, la directrice de 82 ans. Les enfants finiront par être retrouvés trois semaines après leur disparition par l’ambassade, alertée par Emmanuelle, dans une autre crèche où ils avaient été placés par les autorités haïtiennes. À entendre cette histoire, mais aussi celle de Simon-Jephté, on a du mal à comprendre comment l’ambassade en charge de la tournée des crèches a pu passer à côté de cela. Car d’après un argumentaire envoyé par le Quai d’Orsay à ses services : « Une tournée systématique des crèches, appuyée par la sécurité civile ou la gendarmerie et un relais en direction du PAM (Programme de l’alimentation mondiale) et d’ONG » auraient été mis en place. On comprend mieux lorsque l’on discute avec le consul et l’ambassadeur de France en Haïti. Pour eux, « la tournée systématique » équivaut à « toutes les crèches ont été visitées au moins une fois ». Un peu léger comme systématisme en trois mois ? Insuffisant en tout cas, si l’on considère qu’entre les visites, les enfants ont pu tomber malades, disparaître pendant des semaines. « L’ambassade a fait ce qu’elle a pu, répond le ministère des Affaires étrangères. Les crèches sont privées et avant le séisme, certaines étaient déjà dans un état lamentable. On ne peut pas tout changer comme ça. » Et d’ajouter : « La moitié des enfants n’étaient pas encore adoptés, et la compétence revient aux autorités haïtiennes. » À des milliers de kilomètres de là, de l’autre côté de l’Atlantique, Didier Le Bret, lui, considère qu’il n’a « pas les moyens » nécessaires pour mettre en place un vrai suivi des crèches.

Toujours des questions

Photo : Corentin Fohlen

Photo : Corentin Fohlen

Reste la mission de professionnels envoyés par le ministère des Affaires étrangères du 26 février au 7 mars pour examiner l’état physique et psychologique des 117 enfants « avec jugement ». Selon un extrait du rapport transmis par le ministère, celle-ci aurait fait le tour de dix-huit crèches où se trouvaient ces enfants. En réalité, les pédopsychiatres, psychologues et professionnels de l’adoption de la mission n’ont pu examiner que 112 enfants car cinq d’entre eux étaient « absents ». D’après les experts, ces absents pourraient être restés dans leurs familles biologiques alors même qu’ils étaient apparentés à des couples français. Ceci s’explique par la spécificité du système de l’adoption haïtienne où le lien n’est pas forcément coupé entre l’enfant et sa famille d’origine. Mais cela n’est évidemment qu’une supposition, car comme pour Simon-Jephté, personne ne sait en réalité ce qu’il est advenu de ces cinq absents. Autre information intéressante : selon le Quai d’Orsay, la mission est passée à la crèche de Simon alors qu’il n’était pas encore déclaré décédé (le faux certificat établi par la directrice est daté du 18 mars). Seulement… Simon-Jephté ne faisait pas partie des 117, il est donc possible qu’il n’ait pas été examiné. « C’était trop douloureux de faire de la discrimination entre les enfants. Nous avons donc ausculté d’autres enfants que les 117 », précise un des membres de la mission. « Mais on ne nous donnait pas leurs noms. Je ne me souviens pas de Simon. » Malheureusement il est impossible de se procurer la totalité du rapport de la mission, et donc de savoir si Simon a été examiné, ni même s’il faisait partie des enfants « absents ». Seule certitude : avant le séisme, Simon-Jephté souffrait d’une fragilité physique liée à une malnutrition antérieure. Ensuite, le petit garçon rescapé a vécu sous une bâche pendant des semaines. A-t-il fini par tomber malade ? Sa famille biologique est-elle venue le récupérer ? Un diplomate évoque même la possibilité qu’Ariane l’ait confié à une autre famille adoptante dans un autre pays. Simon « vendu » deux fois par la trouble Ariane ? Des dizaines d’hypothèses plus vraisemblables les unes que les autres circulent sur cette disparition, mais pour l’heure, aucune ne l’emporte sur les autres. Reste à savoir qui porte la responsabilité de « la disparition ». Le Quai d’Orsay, qui n’a pas donné les moyens d’un suivi sur place ? Les directrices de crèches, qui font du business sans vraiment s’occuper des enfants ? Le système d’adoption haïtien, qui permet de nourrir les trafiquants ? Sans doute un peu tout à la fois. Enfin, rappelons que les drames que sont ces disparitions se comptent en dizaines de milliers en Haïti. Avant et après le séisme. Mais on parle de Simon parce qu’il aurait pu être français.

L.M. avec Lou Marannes