Kaysersberg, laboratoire vert

23 décembre 2010  |  dans France, Société

Un site de compostage collectif à Kaysersberg. © : Juliette Robert/Youpress

Un site de compostage collectif à Kaysersberg. © : Juliette Robert/Youpress

La petite ville alsacienne a déclaré la guerre au gaspillage des kilowatts. Après 15 ans de mandat, Henri Stoll, maire vert de Kaysersberg, veut faire de sa bourgade un exemple à suivre.


 
Kaysersberg, petite ville de 3.000 habitants, ses maisons à colombages, sa rivière poissonneuse, son marché de Noël, la route des vins d’Alsace qui y fait étape… Derrière la carte postale se cache une commune à la pointe de l’écologie. Aux commandes: Henri Stoll, maire Vert de la commune depuis 15 ans. « On a commencé par réfléchir à nos pratiques quotidiennes, se souvient-il. Du bâti, à la réfection des chaussées, en passant par la circulation des voitures, nous avons mis en place notre politique pas à pas, par des arrêtés municipaux ou par de simples ordres donnés aux services techniques de la mairie. »
 
Au final, la commune affiche un bilan écologique plus qu’honorable. Exit les places de parkings dans le centre-ville, les ampoules classiques dans les lampadaires, les pesticides sur les ronds points, les salages routiers en hiver. Les agents de nettoyage n’emploient plus que des produits sans tensio-actif. Désormais, on ne circule pas à plus de 30 km/h dans les rues, les routes sont gravillonnées quand le gel s’annonce, le centre devient piéton tous les après-midi, la ville est ceinte de 800 places de parking et le camping municipal est équipé d’une voiturette à énergie solaire.
 
Mais au-delà de mesures prises par le conseil, la ville et la communauté de communes s’est lancée dans une série de grands chantiers. Le maire de Kaysersberg voit les choses en grand. La commune a inauguré en 2001 l’une des premières piscines municipales de France chauffées au bois. La matière première est collectée dans la forêt voisine, pas à plus de 6 kilomètres de l’usine de broyage qui déchiquette les troncs en copeaux et qui fait travailler une dizaine de personnes handicapées. La station de broyage alimente également les 9 autres chaudières à bois de la ville et des communes voisines construites pour chauffer des bâtiments municipaux. « La ville a divisé sa facture énergétique par huit », assure Henri Stoll.
 

Le maire de Kaysersberg, Henri Stoll, au vallon de Toggenbach, ancienne décharge sauvage réhabilitée. © Juliette Robert

Le maire de Kaysersberg, Henri Stoll, au vallon de Toggenbach, ancienne décharge sauvage réhabilitée. © Juliette Robert


 
Les ambitions écologiques du maire ne se limitent pas aux espaces publiques et aux bâtiments municipaux. Il a lancé un bilan thermographique des habitations de Kaysersberg : un avion a survolé la ville et a mesuré par infrarouge au-dessus de chaque maison les déperditions en chaleur. Le maire a «convoqué les propriétaires» des passoires énergétiques pour leur proposer un bilan, largement pris en charge par la municipalité. Une série de mesures qui, semble-t-il, n’aurait rien coûté aux contribuables. En 8 ans, les impôts municipaux n’ont pas augmenté, à l’exception de la levée des ordures devenue payante (4 euros pour une poubelle de 80 litres). Henri Stoll l’a promis lors des dernières élections : les impôts ne bougeront pas d’ici la fin de son mandat.
 
Les mesures semblent ne pas avoir pris à rebrousse poils ses électeurs puisque 80% des votants ont soutenu sa liste lors du second tour des élections municipales. Reste pourtant quelques mécontents, notamment des commerçants qui se sont allongés sous les pelleteuses pour protester contre la transformation du centre-ville en zone piétonne. « Je m’en fous, je ne fais pas tout ça pour être élu », tempête Henri Stoll. Il n’empêche que le maire a pu jouer de ses différents mandats pour imposer sa politique. Il est ainsi conseiller général et premier vice-président de la communauté de commune de la vallée de Kaysersberg (10 communes et 17.000 habitants), en charge des questions environnementales. Kaysersberg participe à plus de 50% au budget de la communauté de communes. « Pour chauffer la piscine au bois, j’ai fait plier les autres communes, j’ai joué le blocage », explique-t-il sans ciller. Côté entreprise, l’homme se veut accueillant. « Elles ont aussi tout intérêt, pour leur image et pour leurs finances, de se lancer dans les énergies durables », assure-t-il. « Nous organisons des réunions fréquentes avec les entrepreneurs pour trouver des solutions ». Il faut dire que l’accueil est plus enthousiaste pour les entreprises «vertes». Celles-ci sont exonérées d’impôts locaux. Pour Henri Stoll, le projet de Kaysersberg peut être transposable, « au niveau de villages, comme de grandes villes ». Et d’ajouter, sans hésiter: « l’essentiel, c’est le courage des élus ».