La guerre du pétrole

27 avril 2011  |  dans International

Enjeu stratégique de la révolution, les puits de pétrole libyens sont l’objet de tous les assauts des forces loyalistes. Au point que le front se déplace désormais autour des plus grandes raffineries. Celle d’El-Bregha, la 3e du pays, est tenue par les insurgés. Reportage.

 

Près du check-point d’El-Bregha, il y a un endroit où personne ne peut pénétrer. Et pour cause : derrière la barricade se trouve la troisième raffinerie du pays, aux mains des rebelles depuis plusieurs jours et l’objet de tous les assauts des forces loyalistes. Mais c’est dans une plateforme fantôme que nous entrons. A des centaines de kilomètres à la ronde et jusqu’à la mer, des bâtiments, des pipe-line, des cuves, encore des bâtiments et… le bruit du vent. Ici, aucune trace de présence humaine. Depuis quatre jours, les robinets d’où coule l’or noir libyen sont fermés. Il n’y a plus personne aux manettes du gigantesque site, là ou des dizaines de milliers de Coréens et de Syriens s’activaient au plus grand bonheur de l’État, propriétaire du site. « Nous savons que c’est un endroit stratégique, explique Ahmad, rebelle en charge de la sécurité. Les puits de pétrole sont la principale carte à jouer de la révolution libyenne contre le régime mais aussi en cas d’intervention militaire étrangère ». La Libye tire 95% de ces revenus de la production de pétrole et l’essentiel de ses exportations partent vers l’Europe. Des pays comme l’Italie pourrait être durement affecté par la baisse brutale des exportations. Déjà, après deux semaines de combats, la production de 1,6 millions de barils par jour est tombée à « 0,6 millions » selon le rédacteur en chef du principal journal d’opposition et spécialiste de la question. L’enjeu de l’or noir dans la guerre qui oppose loyalistes et rebelles, est tel que désormais le front se déplace autour des principaux puits de pétroles. El-Bregha, Zawia, Ras Lanuf, toutes ces villes, théâtre des combats actuels, sont des cités où se trouvent les principales raffineries du pays. La révolution libyenne pourrait-t-elle tourner en guerre civile pour le contrôle des puits de pétrole ? Ici, malgré deux bombardements successifs et un assaut terrestre, les rebelles n’ont pas reculé…

Cratères de missiles

Au check-point de la raffinerie, une dizaine de rebelles armés jusqu’aux dents contrôlent les véhicules. Rien de plus compliqué, depuis une heure, des milliers de Fédayins, ces combattants déterminés à sacrifier leur vie pour la cause, passent à toute vitesse pour se rendre sur le front situé à quelques dizaines de kilomètres de là. Break, pick-up, camions, berlines, filent dans la tempête de sable qui se lève. Les canons des Kalachnikovs dépassent des fenêtres des véhicules, les lance-roquettes sont arnachés à l’arrière des pick-up. Pour saluer leur camarades au check-point, les combattants tirent des rafales par la fenêtre. Sans organisation aucune, des hommes de tous âges, souvent armés par le conseil du gouvernement provisoire, partent sur le front à chaque fois qu’il y a besoin de renfort. Aujourd’hui « les free-forces », les troupes de la liberté, partent pour Ras-Lanouf, autre ville proche d’une raffinerie et que les rebelles libèreront dans la soirée. Ici, il y a deux jours, à deux pas de la barrière devant laquelle nous nous trouvons, le premier missile loyaliste est tombé. « Le régime ne va pas bombarder la raffinerie, ils souhaitent reprendre le contrôle, explique Abdel, le responsable du check point. Ils tirent de missiles sur le check-point -deux en deux jours- pour affaiblir nos protection, puis lancent un assaut terrestre. » Il y a deux jours, au moment du premier missile, « 450 mercenaires kadhafistes sont entrés dans Bregha, explique Ali Loudj, gardien de l’université et un des seuls habitants a être resté vivre au milieu de cette ligne de front. Ils ont pris d’assaut l’université dans l’objectif d’en faire leur quartier général. Ceci aurait signifier la reprise de la raffinerie ». En vain. Les rebelles, beaucoup plus nombreux et bénéficiant du soutien de la population, écrasent l’incursion kadhafiste en quelques heures. Pourtant, malgré l’importance de la position, à l’intérieur de la ville et dans la raffinerie, la protection des insurgés est minime. Aujourd’hui, à peine une dizaine sont à l’intérieur. « Ne vous inquiétez pas, rassure, ironique, Ahmad, le responsable de la sécurité. La raffinerie est entièrement sous contrôle, personne ne la détruira ou ne s’attaquera aux stocks qui se trouvent dans les hangars ». Avant de conclure : « C’est la seule chose qui intéresse les gouvernements européens, non ? »