Kidzania, bienvenue dans le monde merveilleux des marques

22 juillet 2012  |  dans International

©Natacha Soury

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Dans ce parc d’attraction à Dubaï, les enfants jouent à travailler pour gagner leur vie dans un monde miniature fascinant… et criblé de logos.

 
Les enfants auraient fait sécession du monde des adultes, un 25 janvier. C’est le service de communication de Kidzania qui nous l’annonce. Déçus par les guerres et les famines, ils auraient décidé de créer leur nation, Kidzania. En vérité, un parc d’attraction pour les enfants de 5 à 16 ans, à 27 euros l’entrée, dans le plus grand centre commercial du monde, le Dubaï Mall aux Emirats Arabes Unis. Un monde miniature avec son histoire, son hymne, ses héros nationaux, sa fête nationale, et… son économie.
 
Passées les portes d’embarquement de l’aéroport, à l’entrée, l’immersion dans le parc donne le tournis. Dans les rues pavées, bordées de petits bâtiments élégants, des hauts-parleurs disséminés dans la ville diffusent une émission de radio, animée par de jeunes journalistes, une mini-ambulance toutes sirènes hurlantes vient porter secours à un blessé, des caissières en herbe scannent les produits des clients de la supérette, des mini-moustachus sortent de chez le Barbier et des lolitas du salon de beauté. Le millier de « Kidzanians » présents cet après-midi-là s’affairent frénétiquement, certains marchant d’un pas décidé d’une échoppe à l’autre, suivi par des parents, le nez en l’air, fascinés par le réalisme du décor.
 
Des carrières de 15 minutes
 

©Natacha Soury

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A Kidzania, on peut faire le plein de sa voiture, aller en discothèque, se faire manucurer, manger une pizza à condition d’avoir moins de 16 ans… et de disposer de Kidzos, la monnaie locale. Et pour cela, il faut trouver un travail : pompier, hôtesse de l’air, pilote, peintre en bâtiment, journaliste télé… En moyenne, les visiteurs changent 6 à 7 fois de métier pendant les 4 ou 5 heures que dure leur séjour. Aiguillés par les quelque 200 « Zupervisors », les seuls adultes, employés du parc, tolérés dans les échoppes, les apprentis se forment à leur métier qu’ils exercent ensuite pendant une petite vingtaine de minutes.
 
Au final, ils reçoivent un salaire de 10 Kidzos, qu’ils soient chirurgiens ou ouvriers à la chaîne, ou 12 Kidzos s’ils sont diplômés de l’université locale. Certains font fortune et ouvrent des comptes en banque pour disposer de leur argent à leur prochaine visite. « Nous voulions que cette expérience se rapproche le plus possible de la réalité, explique Seema Shetty, responsable des relations presse. Cela leur permettra de choisir plus tard leur métier, et leur apprend à gérer une carrière professionnelle ». Et d’ajouter : « Certains découvrent ainsi qu’ils peuvent devenir coursier, par exemple ! »
 
Education et marketing
 
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Pour cette « expérience », la direction du parc a un mot : l’« edutainment », l’éducation par le divertissement. Ce concept, mexicain à l’origine, a essaimé : il existe aujourd’hui 8 parcs Kidzania dans le monde. On y apprend un métier, en version très simplifiée et ultra accélérée, dans un univers bardé de marques. La carte de la ville est un véritable catalogue de logos : le barbier est sponsorisé par Gillette, les enfants déposent leur kidzos chez HSBC, mettent en bouteille du Coca-Cola, et le dentiste se fournit chez Oral-B, entre autres. En tout, une quarantaine de marques se partagent les 18 000 m2 du territoire de Kidzania Dubaï.
 
« Les marques veulent être présentes car elles sont au contact des enfants qui sont vite familiarisés », explique sans ciller la responsable de la communication. Là aussi, il existe un mot, à destination des marques qui paient* pour faire partie du décor : le « marketing expérienciel ». Une occasion en or pour certaines de diffuser leur message publicitaire à ce jeune public, en préambule d’une « formation professionnelle ».
 
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Les futurs pompiers, charlotte vissée sur la tête, impatients de porter le fameux casque métallique, restent ainsi bouche bée devant une vidéo. Celle-ci, avant de leur expliquer les dangers du feu, se gargarise du développement à l’international de NAFFCO, équipementier de casernes de pompier, sponsor du stand. Heureusement sauvés par le gong, une alerte à incendie retentit, et voilà les petits combattants du feu harnachés chacun d’une veste jaune, en route pour lutter contre les flammes qui ravagent — comme à chaque heure et demie — l’hôtel Flamingo.
 
Industrie d’opérette
 
Et que penser de cette usine de lait aromatisé, au couleur de la marque Lacnor, qui propose aux visiteurs de conditionner eux-mêmes leur bouteille ? Les petits ouvriers y apprennent à mélanger, sous le regard bienveillant d’une « Zupervisor », une poudre non-identifiée avec un liquide étrange dont l’animatrice n’expliquera pas la composition. Après avoir appuyé sur de jolis boutons colorés, ils activent une machine qui crache, comme par magie, un berlingot déjà tout étiqueté. Un process de production qui laisserait pantois un véritable ouvrier à la chaîne ou un ingénieur en agroalimentaire.
 
©Natacha Soury

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Cet étrange mélange des genres, entre marketing et éducation de façade, n’a pas troublé le ministère de l’éducation dubaïote qui a fait modifier une loi interdisant les sorties scolaires dans les centres commerciaux… sauf si elles se déroulent chez Kidzania. Jackpot pour le parc. Le public scolaire représentait l’année dernière 70% des 550 000 visiteurs, ce qui a permis au parc d’enregistrer un nombre d’entrées supérieur de 10% à ses objectifs.
 
Les jours de semaine, les enfants en uniforme envahissent la cité miniature. A la sortie du parc, les institutrices regroupent leurs élèves en rang, avant de franchir la douane et le service des migrations dubaïote, la sortie du parc. L’une des maîtresse est ravie, et ne comprend pas notre perplexité : « Quel est le problème avec les marques à Kidzania ? Elles sont aussi présentes que dans la vraie vie ! »
 
*Pour l’heure, la direction d’EMAAR, propriétaire de la franchise de Kidzania ne nous a pas communiqué les tarifs proposés aux marques.