Haïti on Ice : arnaque sous les Tropiques

25 août 2014  |  dans International

© Corentin Fohlen/Divergence

© Corentin Fohlen/Divergence

L’histoire débute il y a plus d’un an, quand un producteur français décide d’organiser un spectacle de patinage artistique à Haïti, Philippe Candeloro et Surya Bonaly en guests stars. Un show mirifique qui doit avoir lieu dans l’un des pays les plus chauds… et les plus pauvres du monde, en plein air. Impossible n’est pas français. Il paraît.

C’est une grande première, un projet de show grandiose, encore inégalé : un show qui va changer l’image du pays. De la glace pour montrer qu’Haïti se relève doucement mais sûrement et peut -enfin- rêver de l’impossible. “Haïti on Ice”, Philippe Candeloro et Surya Bonaly comme guest stars, budget de 400 000 dollars à l’appui et création d’une vraie patinoire sur place, sera inoubliable. C’est François Yrius, le producteur guadeloupéen à l’origine de la démarche, qui le promet. De la glace, personne n’en a jamais vue ici. Si l’on peut en fabriquer à Haïti, offrir aux riches mais aussi aux pauvres, un spectacle magique, dans une unité retrouvée, alors un message positif passera. Loin des images de violence, de corruption, de désolation qui collent à la peau du pays. La Ministre du Tourisme y croit dur comme fer. C’est même l’une des priorités de son mandat, “montrer de quoi Haïti est capable aux investisseurs étrangers”. « La Perle des Antilles », comme on appelait le pays dans les années 50, a bien l’intention de redorer son blason.

15 avril

L’ambiance est radieuse, les sourires éclatants. Dans quelques jours doit avoir lieu la première de Haiti on Ice. François Yrius, sourire Colgate et charisme affirmé, trône au milieu de la salle de presse comme un prince, entre ministres et représentants de la police. Les journalistes locaux et internationaux sont chouchoutés, à coup de mignardises et de café à volonté. L’ultime conférence de presse laisse envisager le meilleur : enfin quelque chose de bien pour le pays.
Malheureusement, pas de chance, deux jours après les promesses de cette réunion, la presse apprend que le spectacle est décalé. Devant l’ampleur de la technique nécessaire, personne ne s’inquiète vraiment, ça en serait presque normal. Le mot d’ordre : patience.
Du côté de l’équipe d’Haïti on Ice, on s’active deux fois plus au Plaza, un quatre étoiles avec piscine, jardins intérieurs, cocktails à gogo, du centre de Port-au-Prince. C’est dans ce havre de paix, à l’opposé du bruit assourdissant des rues poussiéreuses de la capitale, que François et son staff d’une dizaine de personnes ont établi leur QG. Ils y ont pris résidence depuis des mois. Parmi les proches, Giuliano Cubano, ancien habitué du Palace des années 80 et reconverti en chef décorateur exubérant, au franc-parler et au rire communicatif, le « petit José », autrefois garde du corps (il a assuré la sécurité du petit-fils de Picasso), cheveux ras et un peu bourru, et « le grand José », syndicaliste guadeloupéen de haute taille, plus discret mais impressionnant. Officiellement, tous sont venus « apporter un coup de main à un ami ». Sont aussi présents deux des fils de François Yrius : Alex, en charge de la partie finances, lunettes sur le nez, et petit air de businessman, et Benjamin, chef électricité de 22 ans, au visage poupon. Chez les Yrius, on travaille en « famille », au sens large du terme, on travaille sans contrat, et de rémunération, on ne parle pas. « Vous ne rendez jamais service à un ami, vous ? », demandent, elliptiques, les deux José.

Parmi l’équipe motivée, le visage fermé de Jean-Christophe, ingé’ lumière, interpelle. Il nous prend un peu à part et, après avoir jeté un coup d’oeil à gauche et à droite, balance. “ Ce show n’aura jamais lieu. ” Une bombe. Pourtant, une nouvelle date a été trouvée, que François confirme à qui veut l’entendre. Mais ce que révèle Jean-Christophe est troublant : les devis pour les lumières ont été validés in extremis, ne laissant pas assez de temps pour trouver le matériel, réaliser les branchements, sur un réseau électrique très défaillant-les coupures d’électricité sont quotidiennes à Haïti. « Je suis venu avec ma rigueur européenne et en fait tout le monde ment à tout le monde. Ce qui se passe est abracadabresque !», lâche-t-il, hésitant à quitter ce qui semble être un coup foireux. Coincés aux douanes américaines pour des questions de sécurité, les 8000 litres de glycol nécessaires, commandés pour une somme de 60 000 dollars, sont attendus comme le messie. Marchandises explosive potentiel pour les Américains, ce produit chimique est essentiel pour éviter la création indésirable de chaleur pouvant endommager un système. Car pour faire de la glace, faut faire chauffer le moteur ! Pas le choix, il va falloir désormais se fournir en République dominicaine, qui, il faut l’avouer, n’est pas le pays du monde où l’on vend le plus d’antigel. Une certitude : sans glycol, pas de show.
Quelques heures après, Jean-Christophe, excédé, quitte l’aventure. Non sans avoir “pété un câble” selon certains. Son billet de retour, il l’a payé lui-même.

Le 25 avril

En producteur rassurant, François Yrius n’évoque pas l’affaire “Jean-Christophe”. Il n’ a d’ailleurs jamais un mot plus haut que l’autre. On le voit s’activer, rencontrer des sponsors, s’absenter pour des entretiens, et on l’entend dire : « Oui, tu l’auras ton billet. Oui le glycol arrive demain. Non, après-demain. En fait, il arrive en début de semaine prochaine. Oui, le show aura lieu. Bien sûr ». Il reste d’un calme olympien même quand le téléphone ne cesse de sonner, que les spectateurs s’interrogent sur le nouveau rendez-vous, que les sponsors exigent des explications sur le retard, que les patineurs ne sont plus disponibles à force de changements de dates. Producteur modèle, vraiment ? Un simple tour sur Google, que n’a pas dû faire la Ministre du Tourisme haïtienne, nous apprend que cet ancien boxeur amateur a un passé trouble: condamnation à 6 ans de prison en 1987 pour trafic de drogue avec interdiction de gérer toute entreprise dont on ne sait comment il s’en est sorti, comparution pour mise en danger d’autrui en 2000 et violation d’une interdiction de gérer, puis relaxe en 2004 pour exercice illégal d’une entreprise… Aujourd’hui il a plusieurs sociétés, basées dans différents pays, en France, en Côte d’Ivoire. Certains disent à Haïti.

Invité régulièrement sur les médias, c’est à la radio nationale que François doit se rendre aujourd’hui, dans son gros 4×4 blanc. Même sur les ondes, il réussit à faire bonne figure, malgré les multiples décalages de dates. L’événement suscite néanmoins quelques railleries dans les rangs des observateurs haïtiens : que vient faire ce “Blan” (étranger en créole, ndlr) ici ? Ce show ostentatoire n’est-il pas quelque peu indécent ? 24 000 litres d’eau, potable, sont nécessaires pour réaliser les 800 m2 de glace. Le budget donne le tournis quand la moitié des habitants de Port-au-Prince gagne 2 dollars par jour. Changer une image coûte cher.

L’après-midi, François donne une nouvelle conférence de presse, cette fois en direct du stade national Silvio Cator où doit se dérouler le show. Les ouvriers ont déjà posé des planches pour surélever la future structure et protéger la pelouse artificielle. La Fifa ne serait pas du tout contente de voir le moindre dommage sur son gazon à 600 000 dollars. Le dispositif est plutôt sommaire : des poutres gondolées de tailles différentes, et des billes de caoutchouc égrainées dessous, censées jouer le rôle d’amortisseur. « On va la tenter comme ça », lance le petit José, en sueur, bandana sur la tête.
Théoriquement, sur les planches posées à même les poutres, les ouvriers doivent placer de l’isolant, surmonté ensuite de générateurs géants venus de France pour la bagatelle de 200 000 dollars. Enfin viennent des tuyaux dans lesquels l’eau va circuler et geler. Alors que l’isolant manque, les ouvriers déroulent, sous les yeux des journalistes locaux, les tuyaux. Ce n’est pas logique. « Ne dis rien, me lance discrètement François avec un sourire complice, c’est pour faire croire que les choses avancent. Dès leur départ, on va tout retirer. » Il oublie que moi aussi, je suis journaliste. L’affaire commence à prendre une tournure inquiétante.
François dévoile à la suite, fièrement, les 350 patins qui seront prêtés à des enfants haïtiens défavorisés. Leurs lames sont rouillées, le plastique bleu élimé : ils étaient censés être neufs. François l’avait promis.
A côté de lui se tient un jeune homme silencieux, les yeux dans le vague et le visage fermé. Maxime Billy, patineur, sa coqueluche, n’arbore pas un air de fête.

Le 30 avril

Le show, qui avait une nouvelle date, n’a toujours pas eu lieu. Mais ces changements n’étonnent plus personne. Les jours se déroulent, n’apportant rien de nouveau. On patine à Haïti. Ce matin, sur le stade, c’est la fronde, les ouvriers commencent à s’impatienter de ne pas toucher leur traites. Un groupement d’homme discutent vivement. « Ils demandent 50 dollars américains par jour, on rêve !», s’offusque le petit José. Après quelques minutes, et une tentative de rébellion avortée, le travail reprend son cours.
Mais les ouvriers ne sont pas au bout de leurs peines. Les planches qu’ils ont presque fini de poser, en bois pourri et écornées, doivent être remplacées : le poids de la glace pourrait les faire s’écrouler. L’entrepreneur haïtien avait pourtant présenté les planches comme étant neuves.
Face aux difficultés qui s’accumulent, dans un cagnard brûlant, dans ce pays instable, le petit José ironise : « Si ça se passe mal les gars, on prend l’avion jusqu’à Pointe-à-Pitre, en France. On craindra plus rien ».

1er mai

Quand Maxime Billy, le patineur triste de la conférence de presse, arrive à Haïti pour la première fois de sa vie il y un mois, il est plein d’espoir, et excité comme une puce. D’origine haïtienne, ce sportif de 25 ans, adopté au Canada, motivé, dynamique, a été débauché par François Yrius. Il est aussi soutenu par la Ministre du Tousirme, qui souhaite promouvoir « l’enfant du pays », le self made man, celui qui a réussi. Maxime projette de fonder une fédération de patinage à Haïti, espère être sélectionné pour les prochains JO sous la bannière de l’île et construire une patinoire synthétique pour faciliter les vocations. Haïti on Ice est une magnifique aubaine autant qu’un retour à ses racines. Il tombe littéralement “en amour du pays”, obtient la double nationalité.

Mais une fois sur place, l’absence de contrat, de prise en charge de son billet d’avion, de liste de patineurs définitive, de possibilité de s’entraîner (souci, pour un athlète,) commencent à l’inquiéter. « A une semaine du nouveau show, leurs billets d’avion ne sont pas bookés !», constate-t-il, étonné. Il ne sait pas qui patinera. Apparemment François non plus. « Vous savez combien les enfants attendent ce show ?», demande-t-il. Pas de réponses à ses interrogations. Pendant ces longues semaines passées à Port-au-Prince, il manque de nombreux d’engagements artistiques au Canada, perd « l’équivalent de 7000 dollars ». S’il était si mal pendant la conférence de presse, c’est qu’il ne supporte pas l’idée de mentir à propos du spectacle. Il ne veut pas devenir complice d’une entreprise ratée au mieux, malhonnête au pire.
Décidé à partir, il confie une interview exclusive à un journaliste de Radio Canada, « à diffuser impérativement après mon départ », précise-t-il. Maxime parle du matériel bloqué en douane depuis trois mois, pense aux allégations sur les liens supposés entre le président et les milieux mafieux, évoque les frais personnels déboursés, se désolidarise d’un show qui le met mal à l’aise. La Ministre du Tourisme, appelée par le Consul d’Haïti au Canada que Maxime avait prévenu de son départ soudain, le recontacte, « fâchée » de son interview vérité. Elle le supplie de rester. « Fais-le pour ton pays, le peuple a besoin de toi. » « Personne ne viendra salir mon sport à Haïti. Je ne peux pas rester indéfiniment, j’ai engagé trop de frais », réplique-t-il.
L’étau se resserre. Quand François, qui a eu vent de l’interview, lui demande sèchement d’aller « dans ta chambre, on va discuter », Maxime prend peur, quitte l’hôtel le soir-même. Il croise la voiture de la Ministre mais par chance, elle ne le voit pas. Dans les rues de Port-au-Prince, il passe ses derniers appels, son agent lui trouve une chambre à l’autre bout de la ville. Il part sans donner de nouvelles. Son billet d’avion est pris pour le lendemain. Il est désormais en cavale. La pression est à son comble. A bout de force, Maxime s’effondre. Jusqu’à l’embarquement, il craint « d’être arrêté à la douane, pour rupture illégale de contrat », même s’il n’en a jamais véritablement signé. Tout est possible. Avec son retour précipité au Canada, son rêve d’être utile à son pays d’origine s’écroule aussi, sa crédibilité est écornée. Ne restent que les décombres d’un espoir déçu, métaphore de Port-au-Prince, en ruines. Maigre consolation, « la pire expérience de toute sa vie », est derrière lui.

2 mai

Le show est encore décalé : cette rengaine ne surprend plus personne. François Yrius reçoit un coup de fil du président Martelly. « Tu te débrouilles, il faut que ce show ait lieu », exige ce dernier. Les deux hommes se connaissent. Avant d’être élu président, Michel Martelly était en effet le chanteur de variété le plus populaire en Haïti, et il est arrivé à François d’organiser ses shows. Du côté des ministères, l’affaire devient politique: la ministre du tourisme a gonflé l’enveloppe, 48 000 dollars ont été finalement distribués, certaines sources parlent de 100 000… Si le show n’a pas lieu, c’est le camouflet politique. Les sponsors s’impatientent et le mot est faible, les associations partenaires aussi. Un journaliste local lâche : « François va mal finir. A Haïti, on se prend une balle dans la tête pour pas grand chose. »
Sans compter la trésorerie qui n’existe pas, les billets vendus à l’élite haïtienne dont le cash est immédiatement redistribué pour les affaires courantes. Un employé de l’Ambassade de France balance. « François a fait des demandes de subventions, mais ses devis étaient bourrés de fautes d’orthographe.» L’ampleur de l’initiative dépasse visiblement François et ses plans de gloire. « On est dans la merde » devient un leitmotiv dans sa bouche.

4 mois après, le show, de nouveau programmé, doit avoir lieu en août.

15 août

L’ambiance n’a plus rien de sympathique. L’équipe a bien changé : las des aléas du show, les deux José sont finalement rentrés. Alex, le fils aîné a lui aussi quitté le navire, fâché apparemment. Giuliano Cubano, fidèle, tient bon, lui, avec une bonne humeur déconcertante. Serge, un ami de longue date de François Yrius, débarque pour « filer un coup de main. » Lui aussi. Face à un François devenu apathique, il essaie de tempérer le personnel mécontent, les patineurs arrivés en catastrophe qui veulent des garanties d’être payés.
L’idée d’une patinoire extérieure est finalement abandonnée. Trop de soucis avec la Fifa, qui veut récupérer son terrain : le tournoi national a dû être déplacé, des indemnités ont été données aux joueurs mais elles ne sont plus suffisantes pour assurer les changements de lieux de rencontres sportives. Trop de soucis techniques, aussi : au milieu du stade, les températures infernales rendent impossible la fabrication de glace. Il faut trouver un plan B. Direction un banal gymnase, où dort désormais l’équipe. Bien loin du luxe du Plaza, où la nuit à 100 dollars ferait saliver n’importe quel habitant de Port-au-Prince. Lits en fer et mobilier dépouillé sont leur nouveau décor. L’ardoise de François augmente pourtant sans arrêt, la location de la salle revient à 10 000 dollars, le fuel nécessaire par jour coûte 2600 dollars. « Ce genre de projet a besoin d’être mis par écrit, or François a tout dans la tête », avoue un proche du producteur.

25 août : le jour J

Cinq patineurs : c’est le nombre de patineurs final. Faible rendement face aux 22 annoncés. Maxime est parti, Philippe Candeloro et Surya Bonaly dont il ne reste que les visages radieux sur le papier glacé des affiches de rue, n’ont pas voulu venir sans billet pris par la production. Ils honorent d’autres engagements, confirmés, eux. Ferdinand, patineur français de 48 ans, prend les manettes de l’organisation dès qu’il arrive quelques jours avant le show. Il est dans l’obligation de payer ses premières nuits d’hôtel, ainsi que celles d’une autre patineuse dont le sac de voyage s’est perdu en voyage. C’est lui qui a trouvé quatre patineurs disponibles immédiatement. « J’ai activé les réseaux, explique-t-il, passé des coups de fil, toute la journée. Si aucun patineur ne pouvait venir, c’est simple, le show n’avait pas lieu. »

Enfin, des enfants effectuent leur première glissée sur la patinoire. Instables sur leurs lames rouillées, c’est sans gant qu’ils appréhendent cet élément nouveau. Chutes, éclats de rire, même s’ils sont peu nombreux, le pari de faire patiner des petits est rempli. Mais le plus heureux de tous est sans conteste Richard Kasseus, 59 ans. « Mon cœur bat la chamade », reconnaît cet Haïtien. Petit, son père avait créé la première patinoire du pays, pendant deux ans sur les hauteurs de Port-au-Prince, à Kenscoff. On le traitait de fou, lui voulait « réunir les jeunes, sans distinction de race ». Une parenthèse enchantée sous Duvalier, dont l’évocation lui fait monter les larmes aux yeux. « Cette patinoire est un cadeau du vaudou », explique Richard, chaussé de ses patins. Lui qui en rêvait la nuit peut savourer cette glace précieuse. Cadeau empoisonné pour les autres.
Retour aux réalités : une énième panne fait craindre le pire alors que l’équipe de Haïti on Ice croit toucher au but. François qui a réveillé plusieurs fois Ferdinand à 3 heures du matin pour lui quémander 200 euros afin de payer le gazole, doit encore une fois trouver une solution. Cette fois-ci, le problème est technique, la glace risque de fondre. Benjamin doit apprendre à réparer la machine au téléphone par Skype : il ne s’en est jamais servi auparavant. Après deux jours d’interrogations, il comprend qu’il doit coincer une fourchette dans l’un des boutons pour le maintenir enfoncé.

Quelques heures plus tard, après 14 annulations, alors que plus personne n’y croit, alors que François se retrouve pratiquement seul, alors que tout s’est joué à une fourchette coincée dans un bouton, Haïti on Ice débute. Il y a peu de gens dans public, « mais ils sont tellement enthousiastes qu’on avait l’impression que c’était plein !», explique Ferdinand à son retour en France qui, comme les autres patineurs, a dû effectuer son numéro sur glace trois fois pour que le gala dure une petite heure. Dommage, le président Martelly, qui devait venir à l’une des quatre représentations, boude finalement le show. Aux yeux de Ferdinand, l’opération est paradoxalement réussie. De l’extérieur. « Les gens nous arrêtent dans la rue pour nous dire : c’est bien ce que vous faites pour Haïti !» Mais les coulisses, partie immergée de l’iceberg, ces coulisses que le public ne connaît pas, dont il n’a même pas idée, laissent les patineurs et le personnel amer… Personne n’a été payé : pas de cachet pour les artistes, pas d’argent non plus pour les jeunes patineurs à roulettes de Port-au-Prince, qui ont encadré les petits sur la glace et qui attendent toujours leurs quelques dollars. Haïti on Ice, le show qui devait révolutionner l’image du pays, s’est déroulé dans l’indifférence quasi-générale.

Aujourd’hui, plus d’un an après les débuts de ce projet fou « François est coincé en Haïti, à cause de ses créanciers », balance l’un de ses proches. Pourtant il a tant d’idées : ouvrir un cirque, se lancer dans la riziculture… ou refaire de la glace lors d’un prochain show qu’il prévoit d’organiser en Martinique ! Le producteur sans foi ni loi n’a peur de rien. La glace, un or blanc… glissant.