«Il me suffira de passer un coup de fil pour commander une nouvelle Winnie»

14 février 2017  |  dans International

© Eugénie Baccot/Divergence

© Eugénie Baccot/Divergence

Faire cloner son toutou adoré pour espérer le garder plus longtemps auprès de soi ? C’est ce que propose une entreprise coréenne. Lors d’un show télévisé, cette Anglaise a gagné la possibilité de dupliquer son teckel, gratuitement. Le clone vaudra-t-il l’original ?

Irremplaçable Winnie. Ou presque. Car pour Rebecca Smith, une londonienne de 29 ans, rien n’aurait été plus terrible que de devoir se séparer de ce teckel, « quelqu’un d’important » dans sa vie. Mais Winnie a aujourd’hui 12 ans et quelques poils blancs. Et sa propriétaire refuse l’idée de perdre « celle qui l’a aidée à l’adolescence à vaincre la boulimie ». « Un jour, j’ai entendu parler d’un concours pour faire cloner son chien, gratuitement. J’en ai tout de suite parlé à Rebecca », se souvient Alex, le petit ami de Rebecca. Au début, sujet de plaisanterie dans le couple, le concours s’est ensuite présenté comme la solution pour « faire vivre Winnie à nouveau », à défaut de rendre la chienne immortelle.

75000€ pour cloner son chien

Un miracle de la technologie rendu possible grâce au savoir-faire du laboratoire sud-coréen Sooam Biotech, et au concours de la chaîne de télévision britannique Chanel 4 qui fera de cette étrange compétition un programme de télé-réalité. Quel est le chien britannique qui mériterait le plus d’être cloné ? L’histoire d’amitié touchante de Rebecca avec « la meilleure saucisse du monde » et les cabrioles fatiguées de celles-ci sur le gazon de la propriété cossue des parents de la jeune femme finiront par séduire la délégation de Sooam Biotech venue jusqu’au Royaume-Uni pour la finale du jeu. Un numéro de charme qui a même volé la vedette aux 143 autres participant dont Cody, la caniche frigide sans descendance, Solo, le molosse meilleur ami d’un adolescent autiste, ou Scamp, le colley cancereux, souvenir moribond d’un défunt mari. Winnie sera donc la première chienne clonée de Grande Bretagne. Le prix du clonage, 60 000 £ soit plus de 75000€, sera pris en charge par le laboratoire sud-coréen et la chaîne britannique.

Du chien au mammouth ?

Pour Sooam Biotech, cette opération n’a rien d’inédit. Familier des programmes télévisés et très bon communicant, le laboratoire s’est déjà prêté au jeu de la téléréalité aux Etats-Unis dans le programme « I cloned my pet » (j’ai cloné mon animal domestique) diffusé sur TLC en 2012. « Jusqu’à présent aucun chien n’avait été cloné en Grande-Bretagne, et nous voulions savoir pourquoi. Ce concours était une expérience sociale, nous avons pu échanger avec de nombreuses personnes là-bas », justifie Insung Hwang, chercheur chargé de la communication à Sooam Biotech. Les scientifiques du laboratoire ont même été suivis par les caméras de la chaîne National Geographic jusqu’en Russie, où ils ont déterré du permafrost décongelé des morceaux de viande de mammouth. Objectif du laboratoire : cloner un de ces mythiques éléphants des neiges. Pour l’heure, le défi n’a pas été relevé. Mais qui sait ce qui freinera les ambitions de l’homme derrière toute cette entreprise, le Docteur Hwang Woo-Suk ? Ce sulfureux chercheur sud-coréen s’était déjà illustré en participant au premier clonage au monde d’un chien, Snuppy en 2005, mais aussi pour avoir falsifié une partie des résultats scientifiques de cette première mondiale. Aujourd’hui, bien que le clonage du chien reste incontesté, le chercheur traîne une embarrassante réputation dans le milieu scientifique, et se tient à bonne distance des médias. Pour autant, son entreprise créée en 2006, continue de prospérer. Sooam Biotech a ainsi déjà cloné 500 chiens de particuliers. Depuis 2010, elle va même fournir aux équipes de secours et aux douanes de Corée au total plus d’une cinquantaine de clones des meilleurs chiens renifleurs du pays.

Eugénie Baccot/Divergence

Eugénie Baccot/Divergence


 
Jour J

Pour Rebecca, l’heure n’est pas aux interrogations sur le passé du Dr Hwang : le processus de clonage est enclenché. Quelques semaines après la victoire de Winnie, quelques cellules de peau de celle-ci sont prélevées à l’intérieur de sa cuisse, transportées dans un caisson rempli d’azote liquide jusqu’au siège de Sooam Biotech, dans une banlieue de Séoul. Là-bas, les cellules sont décongelées, centrifugées et cultivées. Leur ADN est ensuite extrait puis inséré dans les ovocytes prélevés sur chiennes-porteuses et dont on a retiré les noyaux. Par stimulation électrique, l’ovocyte et le noyau de la cellule de Winnie fusionnent et donnent un embryon. Celui-ci sera ensuite implanté dans l’utérus d’une mère-porteuse, une chienne bâtarde, originellement destinée aux abattoirs – les Coréens, cuisinant parfois de la viande de chien pour les fêtes familiales. Soixante jours plus tard, le 9 avril 2014, c’est le jour J : Rebecca et Alex sautent dans l’avion pour assister à la mise-bas de la mère-porteuse à Séoul. Rebecca assiste nerveuse à la césarienne réalisée par le Dr Hwang. Elle retient son souffle pendant deux minutes quand le chiot est extrait du ventre de la mère-porteuse et jusqu’à ce que le chercheur lui remette la petite boule de poil brune.

Les gènes de Winnie stockés pour toujours

« C’est exactement la même que Winnie, elle est superbe », s’exclame Rebecca. La ressemblance entre deux clones n’est pourtant pas automatique. « Comme chez les jumeaux humains, les chiens clonés présentent de très fortes ressemblances génétiques mais certains peuvent être différenciés », explique Insung Hwang. Entre le modèle réduit et l’original, la ressemblance est évidemment frappante : mêmes petites tâches rousses au-dessus des yeux chez Winnie et son clone. « Ce sont un peu des sœurs, constate Rebecca lorsqu’elle compare le chiot à la chienne connectée à Skype pour faire les présentations au père de Rebecca, resté en Angleterre. Maintenant nous avons des cellules de Winnie stockées pour l’éternité, il suffira de passer un coup de fil pour commander une nouvelle Winnie », s’amuse-t-elle. Une faveur de Sooam Biotech car pour un particulier, il faut débourser 3000 $ pour stocker des cellules pendant 10 ans. Mais Minie-Winnie, le duplicata, sera-t-elle comme Winnie, aussi « spéciale » ? Et Rebecca de concéder : « Je crois que ce qui rend Winnie si spéciale, c’est l’amour que je lui porte. »