L’Europe appréhende le vote irlandais

2 octobre 2009  |  dans International

Affiche électorale

Affiche électorale

«La question n’est pas pour ou contre l’Europe, mais pour ou contre le traité de Lisbonne. L’Europe, nous l’aimons, nous la chérissons ! » Suzanne, la trentaine volubile, se perd en déclarations d’amour pro-européennes. Mais aujourd’hui, elle votera non au référendum sur la Constitution européenne.

Juin 2008, celle-ci avait déjà été rejetée lors d’un précédent référendum par 53,4 % des Irlandais. Le vote d’aujourd’hui aura-t-il des airs de déjà-vu ? Pas sûr. Entre-temps, la crise n’a pas épargné le « Tigre celtique » : le taux de chômage a triplé entre 2007 et 2009, s’établissant à 15 %, et la croissance devrait s’effondrer à – 8 %. « Je ne peux même plus payer les frais de scolarité de mes filles, poursuit Suzanne, qui a perdu son emploi dans le tourisme, il y a plusieurs mois. Nous avons besoin de plus de protection sociale et de services publics en Irlande. Et ce n’est clairement pas l’objectif de ce traité. » Dans cette artère commerçante de Dublin, les supporteurs pro-traité le disputent aux anti ; et les pancartes pour et contre s’alignent sur les lampadaires.

à l’exception du Sinn Fein

Vêtue d’un tee-shirt rose floqué d’étoiles jaunes et d’un énorme « Yes » sur fond bleu, Stephanie, 23 ans, distribue sans relâche les tracts du mouvement Ireland for Europe emmené par Pat Cox, ancien président du Parlement européen.

« Je soutiens ce mouvement mais je ne voterai jamais pour Pat Cox, explique cette jeune diplômée au chômage. Ce référendum n’a rien à voir avec les appartenances politiques. Nous avons besoin de l’Union européenne. Les Irlandais doivent absolument voter oui pour l’intérêt commun. »

En temps de crise, l’appui européen semble être l’enjeu majeur du vote pour les tenants du traité de Lisbonne. L’ensemble des partis politiques irlandais se sont d’ailleurs ralliés au oui, à l’exception du Sinn Fein, le plus vieux parti politique irlandais.

Marginalisation de l’Irlande au sein de l’Union, perte de la confiance des investisseurs étrangers et des marchés européens, le non aurait des conséquences économiques « catastrophiques » pour l’Irlande, selon le camp du oui.

« La seule manière dont les Irlandais peuvent s’assurer de conserver un commissaire (européen) est de voter oui au traité », a insisté Manuel Barroso, président de la Commission européenne, venu prêter main forte au pro-traité. Pour lui, une victoire du non compromettrait la survie de la Constitution européenne pour toute l’UE.

Selon les derniers sondages, qui donnent le oui gagnant à 55 % pour 27 % de non, les Irlandais auraient reçus les messages envoyés par les défenseurs du traité. Mais l’heure reste à la prudence. La leçon retenue du dernier référendum : se méfier des retournements de situation, alors qu’en juin 2008, le oui était donné gagnant. « En disant oui au traité, le seul emploi qui sera sauvé sera le sien », alerte une pancarte avec le portrait du Premier ministre, Brian Cowen.

Vote sanction

En effet, ce que redoutent les pro-traité : un vote sanction contre le gouvernement à qui une majorité d’Irlandais reprochent une mauvaise gestion de la crise et dont la cote de popularité s’est effondrée à 11 % d’opinions favorables.

« Le vote non est sous-estimé, assure Tom O’Connor, professeur de sciences politiques au Dublin Institute of Technology. L’écart entre le oui et le non ne sera pas aussi grand (que ce que prévoient les sondages), il ne sera que de 6 à 8 %. Les gens ne voteront pas seulement sur le traité mais pour d’autres raisons : faire tomber le gouvernement, condamner la crise. Beaucoup d’Irlandais attendent des élections générales. »