Irlande : un oui époustouflant

4 octobre 2009  |  dans International

photo : Leïla Minano/Youpress

photo : Leïla Minano/Youpress

Hier, 3 millions d’Irlandais étaient appelés à se prononcer sur le traité de Lisbonne. Victoire sans appel des « pro yes » avec 67,1 % des suffrages. Reportage.

A 9 heures du matin, l’Irlande savait déjà. Avant même l’ouverture des urnes, un sondage organisé par le principal parti d’opposition donnait le oui gagnant et tablait sur une participation supérieure à 50 %.
Peu de surprises, donc, dans les allées du centre de dépouillement de Dublin. Dans ce hangar gigantesque, plusieurs centaines de Dubliners en rangs serrés trient sans relâche les milliers de bulletins de votes de la capitale. Vers midi, alors que le décompte des voix se poursuit, les « pro no » n’ont plus d’illusions. Sous les yeux des observateurs qui contrôlent le dépouillement, les uns se félicitent à grands coups d’embrassades, les autres regardent leurs chaussures, dépités.

Heureux ou déçus

« Je suis tellement content », déclare un militant « pro yes » en serrant dans les bras son voisin au sourire resplendissant. Ici, on l’aura compris, point d’objectivité. Les observateurs arborent fièrement les autocollants « Yes » ou « No », les « counters » (ceux qui dépouillent) affichent sans complexe leurs tee-shirts de campagne. Assises à une table au fond de la salle, Noeleen et Treasa, la vingtaine, sont déçues. Voilà plusieurs semaines que les deux jeunes Irlandaises militent pour le non. « On a perdu. Mais si le nombre de oui n’est pas trop important, cela montrera nos réserves par rapport au texte », espèrent-elles.

Un soufflet

Et pourtant, quelques heures plus tard, la décision des Irlandais est sans appel : le oui l’emporte avec 67,1 % des suffrages, contre 32,8 % pour le non. Un véritable soufflet pour les détracteurs du traité.

Declan Ganley, qui se promène dans les allées du hangar, fait partie de ceux-là. « Je suis très déçu, avoue le chef de file des anti-Lisbonne. Mais je tiens à dire que la campagne des « pro oui » a été malhonnête, centrée sur les emplois et une reprise économique miracle. » Et celui-ci d’ironiser : « Mais je félicite le directeur de campagne du oui, c’est le meilleur politicien du pays. Il a convaincu tout le monde que l’économie serait ruinée en cas de non : c’est un énorme mensonge. »

Pour Elain Byrns, professeur de sciences politiques au Trinity College de Dublin, la prestigieuse université du pays, c’est au contraire la « pédagogie » de cette campagne qui a fait la différence. « Cette fois, grâce à une campagne plus longue, je pense que le traité a été mieux compris par les Irlandais. Résultat : la colère contre le gouvernement n’a pas pris le pas sur le vote, et c’est pour cela qu’ils ont dit oui », analyse-t-elle.

Toutefois, « il faut noter que la majorité des Irlandais qui ont voté non appartient aux catégories sociales défavorisées. Celles-ci ne font confiance ni au gouvernement ni à l’Europe pour les sortir de la crise », ajoute Elain, également éditorialiste au « Irish Times », le plus important quotidien du pays.

Une leçon

Retour dans les allées du centre de dépouillement. Dick Roche, ministre irlandais des Affaires européennes et ardent défenseur du oui, se prépare pour une interview télévisée. « J’étais très confiant, confie-t-il. Cela n’a rien à voir avec la chance, nous avons beaucoup travaillé pour arriver à ce résultat. Nous avons convaincu Bruxelles de modifier le traité, mais aussi les Irlandais de le ratifier. » À quelques kilomètres de là, dans le centre de la capitale, quelques dizaines de militants « pro yes » se sont regroupées devant le Dublin Castle pour manifester leur joie. « C’est une victoire époustouflante ! », lance cette jeune étudiante qui arbore un tee-shirt siglé d’un énorme « Yes ! ». Elain, la politologue, est moins enthousiaste. Pour elle, ce succès doit aussi être une leçon pour Bruxelles : « Il faut que l’Europe soit mieux expliquée aux Européens. »