La crise joue en faveur du « oui »
1 octobre 2009 | Ariane Puccini dans International
L’Europe peut-elle sauver l’économie irlandaise? Les défenseurs du «oui» au traité de Lisbonne y croient. Ceux du «non» dénoncent une campagne axée sur la peur de perdre l’appui européen.
Ils croyaient avoir eu le dernier mot. Lors du référendum de juin 2008, les tenants irlandais du «non» au traité de Lisbonne obtenaient le rejet de la Constitution européenne à 53,4%. Mais demain à nouveau, les Irlandais seront appelés aux urnes pour décider de l’adoption d’une Constitution revue et corrigée par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. Mais les débats autour de ce mini-traité se déroulent dans un tout autre climat. Entre-temps, la crise a mis à mal le «Tigre celtique». En quelques mois, l’une des économies européennes les plus florissantes a vu son taux de chômage tripler (fin 2009, il devrait atteindre 15% contre 5% en 2007) et son taux de croissance s’effondrer à – 8%. Un contexte dont se servent les défenseurs du «oui».
Une aide européenne en jeu
«Ce référendum est crucial pour la prochaine génération», assure Pat Cox, ancien président du Parlement européen, sorti de sa retraite politique pour voler au secours des supporters du camp pro-traité. Pour ceux-ci, le rejet du traité de Lisbonne serait synonyme de marginalisation de l’Irlande au sein de l’Union et, surtout perte de l’aide européenne. «Si le traité est rejeté, à court terme, les investisseurs étrangers pourraient percevoir le marché irlandais comme étant légèrement plus risqué, explique Andy Storey, économiste à l’University College de Dublin. Et le coût des prêts sur les marchés financiers augmenterait.» Certaines entreprises ont ainsi pris part à la campagne… avec zèle. La compagnie aérienne low cost irlandaise, Ryanair, aurait dépensé près de 500.000 euros dans la campagne. «Ryanair vous dit de voter ?oui? au traité», annonce l’entreprise sur une pleine page de publicité publiée dans la presse quotidienne. Un battage médiatique qui laisse les défenseurs du «non» pantois. «Quand on pense que la peur et le sentiment d’incertitude ont été les moteurs de cette campagne, c’est fou !, s’indigne Patricia McKenna, porte-parole du People’s movement, qui fait campagne contre le traité. Qui peut croire que l’Europe peut nous sortir de la crise ? Un jour, elle nous reprendra d’une main ce qu’elle nous a donné de l’autre.»
Possible revirement de dernière minute
Coïncidence ou stratégie, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a fait le déplacement, une semaine avant le référendum, afin d’annoncer un prêt de 14,8 millions d’euros pour venir en aide aux 2.000 employés de l’entreprise Dell, licenciés en janvier suite à une délocalisation de leur entreprise en Pologne. Il a rappelé que si le traité était rejeté, les Irlandais risquaient de perdre le droit de nommer un commissaire européen. Un message qui semble être déjà entendu par une majorité d’Irlandais. Selon le dernier sondage publié par le Sunday Tribune, ils seraient 55% à voter en faveur du traité et 27% contre. Reste toujours 18% d’indécis à séduire, et l’hypothétique revirement des Irlandais, à la dernière minute. Ce fut le cas lors du premier référendum.
La cote de Brian Cowen a chuté
«La situation économique aura un impact sur le vote, analyse Andy Storey, aussi bien pour le camp du ?oui? que pour celui du ? non?. Les partisans du ?oui? jouent sur la peur de perdre l’appui de l’Europe et le clan du ?non? pourrait profiter de la colère des électeurs vis-à-vis du gouvernement à qui l’on reproche sa mauvaise gestion de la crise.» En effet, le gouvernement dirigé par Brian Cowen depuis mai 2008 a vu sa cote de popularité plonger à 11% d’opinions favorables. Un vote-sanction est donc possible. La colère pourrait ainsi prendre le pas sur la peur.