Ici, c’est Nulle Part

29 septembre 2011  |  dans International

©Yoan Valat

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Nulle part : 41°41’48.90’ nord 0°10’11.93’ ouest.

Sur une carte, une plaine dans le désert de Saragosse en Espagne. C’est là que se tient la parenthèse Nowhere. Dans la poussière, sous la chaleur, une hallucination, peut-être. Cinq jours de n’importe quoi participatif. On dit « festival » mais l’on parle surtout d’ « expérience Nowhere ».

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Touristes, passez votre chemin. Ici ne s’arrêtent que les « Nooners », les membres de cette communauté folle qui ne jure que par l’absurde et la poussière du désert. Cinq jours de création artistique, d’happenings, de folie improvisée et gratuite. Pas de tabou, pas d’argent, pas de spectateur : voilà comment glisser dans la faille spatio-temporelle du Nowhere. Une parenthèse qui vous change, dit-on. Une échappée temporaire pour certains.

 

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Regardez-bien autour de vous.  Les gens, les fous, les tentes, les voisins, leurs costumes, la piste de dance. Après 5 jours de fête, on se frottera les yeux : il ne restera plus rien, pas un cotillon, pas une miette, pas une plume. Ramassés. Ne laisser aucune trace : le village sera comme un mirage. Disparu aussitôt.

 

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Pour l’instant, il est bien réel, il compte même un maire, un curé-rabbin-imam, un facteur, une poste, une place centrale et une vingtaine de quartiers, dits « barrios ». Profitez, le compte à rebours est lancé avant l’évaporation totale. La frénésie monte, en même temps que les décibels. Le Nowhere s’anime et plonge dans la folie. Plus de 600 âmes : de quoi alimenter le rêve. Ce sera bientôt à ne plus rien y comprendre. Tant mieux.

 

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Elle serait la tente de Dorothy, venue tout droit du Kansas en direction du pays d’Oz, portée par une colonne de sable. La maison de nylon fait de larges cercles dans le ciel, comme un vautour à fond la forme, avant de se poser quelques mètres plus loin, intacte : la tornade venait de faire son entrée. Elle vient chaque année. On l’attend, presque, cette invitée surprise. Elle voile le soleil, hypnotise les yeux hallucinés. Le temps s’est figé devant le spectacle, sous cette pellicule uniforme et brune.

 

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Il se murmure dans les barrios qu’elle serait l’oeuvre d’un Suisse, prodige de la méditation qui provoque des cataclysmes à chaque Nowhere. Cette fois-ci, il n’aurait prévenu personne. Dans la boue, on conjure la tornade, plaque la poussière aux corps. On batifole dans la flaque marron. Les corps nus disparaissent, avalés par la terre, et donnent naissance à une seule créature de bras et de jambes. C’est une méditation, aussi, une communion.

 

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Interruption par un éclair fluo : l’escadron en tissus synthétique déboule. « Knee-ass-knee-ass ! » Polo le mono balance ses pattes moulées en rose flashy et scande les mouvements de ce cours d’aérobic impromptu dans un micro branché… à rien du tout. « Jump… and down ! » Bananarama sature depuis un combi radio-cassette qui aurait pu appartenir à Marty Mc Fly. « Jump! Stretch  ! Jump ! » et ils repartent à l’assaut d’un autre barrio, sans autre forme de conclusion.

 

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Une sonnerie de téléphone – Un téléphone en moquette – calé dans une cabine au milieu du désert. Message personnel ?« Allô, c’est qui ?

– Hey dude, ça roule ?
-On fait rouler… T’es qui, t’es où ?
– Je suis à l’autre bout du camp, au téléphone en gazon ! Je te laisse, je dois y aller. C’était cool de te parler ! » Ah. On raccroche face au vide.  On n’a rien compris. Tant mieux.

 

 

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Elle sort un sabot de la tente, puis elle s’en extrait en entier. Elle s’ébroue, rajuste sa queue blonde, recentre la corne dorée sur le centre de son front. La licorne se prépare à sortir. La chaleur de la journée est tombée, en même temps que le soleil. Après la léthargie des heures chaudes, le réveil du soir.  Elle va rejoindre ses amis le martien, la fée disco et le cheyenne en slip. Rendez-vous est pris pour le lancement de la soirée.  D’autres s’activent au barrio « costume camp », pour trouver leur personnage d’un soir. Demain, ils seront quelqu’un d’autre.

 

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Bloc 1 : Y’en a un qui se marre plus que d’autres : Alan. Il regarde avec son oeil affûté, satisfait, le rassemblement des nooners . Bon millésime cette année, selon l’expert qui est là pour la 8ème édition. Il n’en a jamais manqué une. « Y’en a eu dans tous les sens. » De quel sens parle-t-il ? La nuit est tombé, enfin. La lumière des néons prennent le lieu… piste de dance. Transe mais faut pas oublier le monde par défaut.

 

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Bloc 2 :

On en a oublié le monde par défaut.

 

 

 

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 Un reportage halluciné réalisé en juillet 2011