Ile bretonne recherche agriculteur

19 avril 2010  |  dans France, Société

Photo Amélie Cano/Youpress

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L’île d’Arz vient de lancer un appel d’offre peu courant : 30 hectares de terres agricoles à exploiter, pour lutter contre l’enfrichement et dynamiser l’économie de l’île. Une quinzaine de parcelles dans un décor idyllique, mais aux contraintes multiples. Reportage.

C’est l’histoire d’une île d’à peine quatre kilomètres de long. Une petite île, épargnée par les voitures, et nichée au coeur du golfe du Morbihan. Avec ses plages, ses maisons de caractère… et ses touristes. Ils sont chaque année 200.000 visiteurs à arpenter son littoral, à pied ou à vélo. L’économie de l’île repose à 90% sur ces revenus. Une monoactivité qui a ses revers : l’hiver, Arz tourne au ralenti. Et surtout, l’envolée des prix des terrains incite certains propriétaires à garder leurs terres inoccupées, dans l’espoir de les vendre à prix d’or. Les ronces envahissent inexorablement ces zones souvent non constructibles, et deviennent un vrai problème. C’est donc pour lutter contre l’enfrichement et dynamiser l’île que la mairie a décidé d’attirer un agriculteur.

« C’est une idée qui a germé il y a longtemps » explique le maire, Daniel Lorcy. Elu en 1977, il avait déjà tenté de faire venir un agriculteur sur l’île, sans succès. Réélu en 2008, il récidive. Pendant plus d’un an, son équipe recense les terres potentiellement disponibles. Un travail de fourmi, car la majorité des terrains appartiennent à des particuliers, qui parfois ne vivent plus sur l’île. « Nous avons envoyé plus de 80 lettres, certaines jusqu’en Polynésie et en Afrique du Sud ! Et beaucoup de ces terres sont des héritages, des familles qui parfois ne se parlaient plus depuis vingt ans » raconte-t-il, assis à l’étage de la mairie, un ancien prieuré. La municipalité consulte aussi les deux agriculteurs déjà présents sur l’île : une jeune éleveuse de Pie noire, installée depuis un an, et Henri et Monique Roho, 70 ans, qui possèdent l’unique ferme de l’île. « Il nous a dit que le projet était faisable, à condition de trouver un travailleur acharné et compétent » explique Daniel Lorcy. Au final, la mairie, aidée par la chambre d’agriculture de Vannes, recense 30 hectares de terrains disponibles à la location ou à la vente.

Agriculture bio obligatoire

Photo Amélie Cano/Youpress

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Début février, l’appel d’offre est lancé. La mairie impose deux conditions aux postulants : venir vivre sur l’île, et pratiquer de l’agriculture biologique. Bordée de parcs à huîtres, l’île ne peut en effet se permettre de déverser des produits chimiques dans le golfe. Malgré ces impératifs, l’engouement est immédiat. En moins d’un mois, la chambre d’agriculture reçoit plus d’une centaine de demandes. « Mais nous n’avons pas encore reçu de candidature ferme » tempère Rémi Castel, chargé du dossier. Car si l’offre paraît alléchante, les contraintes sont en réalité multiples. « Ceux qui nous appellent en rêvant d’une petite ferme à rénover au bord de la mer sont vite déçus ! » s’amuse-t-il. En effet, l’appel d’offre ne concerne que des terrains. Pour le logement, les heureux élus pourront avoir accès au nouveau lotissement qui doit sortir de terre en 2012, plusieurs maisons HLM en location ou en accession à la propriété.

Et côté exploitation agricole, la situation n’est pas idyllique non plus. « Les terrains sont très morcelés » explique Rémi Castel. « On a treize ilôts de 50 ares à six hectares répartis sur l’île. Certains sont à l’état de prairie, mais d’autres sont vraiment à l’abandon. Et il y en a plusieurs situés en zone humide. Il va être difficile de faire autre chose que de l’élevage en plein air » estime-t-il. Difficulté supplémentaire, la loi littoral empêche de construire à moins de 200 mètres des côtes, ce qui exclut donc les bâtiments agricoles et les tunnels de maraîchage. « C’est un peu la quadrature du cercle » reconnaît Rémi Castel. Mais il estime qu’un projet mixte, mêlant l’élevage avec une autre activité, pourrait être viable.

Du courage et de l’inventivité

Photo Amélie Cano/Youpress

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« C’est très difficile de faire vivre une petite exploitation sur une île » prévient de son côté Monique Roho, qui possède une vingtaine de vaches Limousine avec son mari. Elle élève ses bêtes pour leur viande, car on ne peut pas faire de lait sur l’île. Sa production, labellisée, se vend bien, mais ne suffit pas pour assurer les revenus du couple, qui possède aussi un gîte. « J’ai entendu qu’il y avait beaucoup de postulants, je leur souhaite bon courage » sourit-elle. Un peu sceptique, elle a cependant bien conscience que l’île a besoin d’un nouvel agriculteur. « Faire vivre toute une famille sur une exploitation, ici, c’est impossible. Mais si c’est un couple avec un deuxième revenu, c’est envisageable… Et peut-être que les jeunes auront de meilleures idées que nous ? » espère-t-elle.

Le maire, lui, refuse de se décourager. « On a quelqu’un qui est venu faire du carottage pour voir s’il est possible de planter des pommiers et faire du cidre, on a une autre personne qui a un projet bien avancé pour faire de la transformation d’escargots, on a aussi quelqu’un qui voudrait cultiver des fruits rouges pour faire des sorbets… ça fait déjà un tas de petits projets » s’enthousiasme-t-il. Daniel Lorcy veut croire au potentiel de son île. « Il y a 3.000 personnes qui vivent ici l’été, et on a 200.000 visiteurs par an, vous imaginez le potentiel commercial si on ouvre un lieu de vente des produits de la ferme ? Je sais bien que l’agriculture est en crise, mais il faut y croire, sinon on ne fait plus rien. Nous on y croit, et on croit dans notre île ».