Le biogaz : nos déchets, source d’énergie
15 décembre 2009 | David Breger dans France, Société
Électricité, chaleur, carburant… un potentiel inexploité se cache dans nos poubelles. Très développée dans les pays nordiques, la valorisation énergétique des déchets en biogaz démarre à peine en France.
Une centrale électrique qui carbure au fumier… Depuis 3 ans, Mathieu Breusse, céréalier près de Sancerre, s’est lancé dans la création, sur son exploitation de 600 ha, d’une unité biogaz. Une source d’énergie basée sur un procédé chimique simple et connu depuis bien longtemps : la méthanisation. Dans un digesteur, une grande cuve hermétique, les déchets fermentent à l’abri de l’oxygène. Au bout de quelques semaines du biogaz se dégage (composé d’environ 60% de méthane, 40% de CO²). Il est alors capté pour alimenter des moteurs et produire électricité et chaleur.
« Cela ressemble à un estomac de vache », décrit l’agriculteur, qu’il nourrira avec les déchets, souvent fastidieux à traiter, des productions alentours : petit lait du crottin de chavignol, marc de vignoble, déchets de chou, fumier … mais aussi des déchets issus de l’industrie agro-alimentaire ou des ordures ménagères. « La valorisation du méthane, 20 fois plus nocif que le C0², est bénéfique pour l’environnement et supprime les nuisances olfactives. C’est la source d’énergie renouvelable la plus proche de mon métier d’agriculteur », se félicite Mathieu Breusse. En effet, en fin de méthanisation, reste le digestat, une matière réutilisable en tant qu’engrais : « un véritable cercle vertueux ». Et rentable : l’électricité produite, équivalente à la consommation de 4500 personnes sur une année sera revendue à EDF pour générer 1 million d’euros par an. Avec un investissement de 5,5 million €, Mathieu Brousse et sa société (Ledjo / Holding verte) pensent être bénéficiaires dans 7-8 ans. La chaleur cogénérée par le moteur pourra aussi être utilisée pour sécher le digestat ou alimenter un réseau local, maximisant le potentiel énergétique. Le céréalier ne cache pourtant pas les difficultés rencontrées « J’espère que mon projet aboutira en 2010, mais c’est très long administrativement ».
Des lourdeurs et des coûts (les petites installations sont peu rentables) qui ont creusé le retard de la France sur ses voisins d’Europe du Nord. Il n’existe qu’une dizaine de sites « biogaz à la ferme » déjà réalisés, contre 4000 en Allemagne. «Mais, depuis 2006 et l’augmentation des tarifs de rachat de l’électricité par EDF (garantis et bonifiés pour les énergies renouvelables), et même si ces prix ne sont pas encore suffisants et parmi les plus faibles en Europe, on assiste à une multiplication des projets. Le potentiel est fort », assure Caroline Marchais, déléguée générale du Club Biogaz (une association des professionnels du secteur). Aujourd’hui, le biogaz produit à peine 1% de l’électricité renouvelable mais ce chiffre a plus que doublé entre 2000 et 2007(1).
Si le biogaz agricole est prometteur, les acteurs majeurs et historiques du secteur (90% de l’énergie produite) restent les stations d’épuration qui méthanisent leurs boues et les décharges. Là aussi, l’évolution est notable. Les décharges sont tenues par la loi d’éliminer le méthane causé par la fermentation des ordures enfouies, « mais nous sommes passés ces dernières années d’une logique réglementaire à une logique de développement » explique Pascal Pelerbe, directeur Veolia propreté Ile-de-France. L’entreprise gère le centre de stockage de déchets de Claye Souilly (Seine-et-Marne), un des plus grands du pays. « Plutôt que de brûler le biogaz, nous le valorisons en électricité, ce depuis le début des années 1990.» Après des débuts balbutiants et grâce aux perfectionnements des techniques de valorisation, le site dispose désormais d’une centrale de 36 MW de puissance, capable d’assurer la consommation électrique annuelle d’une ville de 300.000 habitants. Et depuis cette année, le biogaz y est aussi filtré pour être transformé en biométhane (équivalent du gaz naturel). Il alimentera ainsi en carburant une benne à ordure et une flotte de véhicules de la ville et de l’entreprise. A terme, ce gaz naturel pourrait même être injecté dans le réseau de GDF « C’est possible techniquement et fait dans d’autres pays, mais il faut en définir les conditions. C’est complexe. Les mesures de sécurité et les négociations réglementaires sont en cours, mais on est quasiment au bout du chemin », commente Pascal Pelerbe. Voici en effet la prochaine étape attendue par toute la filière biogaz pour assurer la rentabilité et le développement de son activité.
1) Source : MEEDDM