La Roumanie frappée par l’exode des travailleurs

4 janvier 2015  |  dans International

Stefan Moisanu, candidat au départ. © Fanny Bouteiller

Stefan Moisanu, candidat au départ. © Fanny Bouteiller

Le second tour de l’élection présidentielle se déroule, ce dimanche 16 novembre 2014. Entre deux et trois millions de Roumains vivraient hors de leur pays. Le nombre d’expatriés dans l’Union européenne aurait doublé, entre 2007 et 2010. Reportage auprès de candidats au départ.

Adrian termine ses bagages. Dans un petit village à une centaine de kilomètres de Bucarest, ce médecin généraliste de 55 ans s’apprête à tout quitter pour la Suède. « Je n’en peux plus de la bureaucratie, des dysfonctionnements du système qui font que l’État me vole de l’argent ! », s’insurge-t-il. Là-bas, en Suède, il devrait être payé 4 000 €. Soit dix fois plus qu’ici. Reste à apprendre le Suédois, malgré son âge. C’est dire sa motivation, et surtout, l’absence de futur qu’il entrevoit en Roumanie.

« Dix ans que je m’épuise »

Les médecins sont parmi les plus nombreux à fuir : 15 000 en cinq ans, principalement en Allemagne, en France ou en Angleterre. Beaucoup de travailleurs moins qualifiés émigrent vers les pays d’Europe du Sud, Italie ou Espagne, où ils vont souvent travailler dans l’agriculture, parfois de manière saisonnière. Les plus qualifiés partent aux États-Unis ou au Canada. Et ne reviennent pas. Stefan Moisanu, 33 ans, est récemment devenu célèbre. Cet ingénieur automaticien a virtuellement « divorcé » de son pays natal dans une publication, sur son blog, qui a fait le tour de la toile. Il est en train de transférer son affaire aux Émirats Arabes Unis. Pour lui, l’avenir est à l’Est, pas en Europe et encore moins en Roumanie : « Cela fait dix ans que je m’épuise avec la bureaucratie, la corruption qui m’empêche d’avoir accès à des marchés, les trajets permanents dans tout le pays pour régler les problèmes… J’ai peur d’y laisser ma santé. » Il s’effraie aussi de voir son pays se transformer « en état policier, avec des contrôles permanents pour empêcher d’avancer ».

Olivia Rusu a choisi de rester. © Fanny Bouteiller

Olivia Rusu a choisi de rester. © Fanny Bouteiller

« Si tout le monde part, comment développer le pays ? »

Au contraire, c’est en restant ici qu’Olivia a vu sa carrière décoller. Titulaire de deux masters (marketing et bioéthique), dont un obtenu à l’étranger, elle aurait pu partir. Mais la jeune femme de 30 ans, installée à Bucarest, dirige désormais une équipe de dix personnes qui travaillent pour une société hollandaise de sites Internet. « En tant que Roumaine, je n’aurais jamais pu avoir un tel poste, si tôt, à l’étranger, analyse-t-elle. Et je suis fière de faire travailler une dizaine de jeunes. » Pour elle, les opportunités existent bel et bien : « Nous avons besoin de travailleurs. Si tout le monde part, notamment les plus qualifiés, comment développer le pays ? » La jeune femme ajoute, forte de son expérience : « À l’étranger, même si tu fais des efforts, tu seras toujours un outsider. En dehors de l’argent, j’ai tous mes amis ici. J’aime Bucarest et sa vie nocturne, la meilleure que je connaisse ! »
Quel que soit le résultat des élections, ceux qui ont choisi de partir, partiront. « C’est trop tard pour la Roumanie » regrette, amer, Stefan. Vendredi , des milliers de Roumains ont manifesté en solidarité avec de nombreux expatriés qui n’ont pas pu voter lors du premier tour. Victor Ponta, premier ministre social démocrate sortant, est donné favori, face au chrétien libéral Klaus Iohannis.