Le french flair de Jean-Claude Ellena

16 novembre 2007  |  dans Culture

Photo : Leïla Minano/Youpress

Photo : Leïla Minano/Youpress

Parfumeur star de la maison Hermès, Jean-Claude Ellena exerce son nez légendaire depuis 30 ans. A l’occasion de la sortie de sa nouvelle fragrance, notre reporter l’a rencontré. Portrait.

Fermez les yeux… et sentez. En un coup de baguette olfactive, un morceau de cuir respire le jasmin, une citation prend des airs de Chèvrefeuille, une rencontre fleure bon la rose… Comme on met Paris en bouteille, Jean-Claude Ellena, parfumeur star de la maison Hermès, enferme les jardins dans des flacons. Jean-Claude est nez. Depuis 30 ans il choisit, mélange et additionne les senteurs. Rien de plus naturel pour le fils d’un parfumeur grassois. Installé dans le salon du dernier étage de la tour du Couturier, Jean-Claude respire la confiance en lui. De ses traits lisses et de son regard direct émanent l’exigence et l’expérience de celui qui veut faire reconnaître «l’Art» de la parfumerie. Mais retour dans le passé s’impose… Adolescent, Jean-Claude est mauvais élève. En désespoir de cause, ses parents le font entrer dans l’industrie du parfum. Mais, point de piston… Jean-Claude doit faire ses preuves. A 16 ans, il astique 10 heures par jour les gros alambiques. « J’adorais nettoyer les futs», affirme le parfumeur dans un sourire. En 4 années, il expérimente tous les maillons du flacon. A 21 ans, marié et déjà père d’un enfant, il quitte la capitale du parfum, et part pour l’école des parfumeurs à Genève. Mais le cancre de Grasse est toujours réfractaire à l’étude, il commence donc très vite son apprentissage et passe ses journées à imiter les grandes fragrances du moment. 1973 est l’année de l’indépendance pour l’apprenti. Il part aux Etats-Unis pour «comprendre le marché». L’expérience est déterminante: un an après son retour en France, le monde s’arrache First de Van Cliff et surtout, le nez qu’il y a derrière la recette. Le jeune parfumeur de 28 ans ne s’arrête pas là, marqué par 68, veut révolutionner la manière de concevoir, pour lui, il faut créer «en groupe, en contact avec les clients ». Un sacrilège pour les traditionnalistes : le parfumeur doit concevoir seul «enfermé dans sa tour d’ivoire». Avec deux collègues, le professionnel de 28 ans claque la porte du numéro un de l’industrie et rejoint une petite maison. Parallèlement, Jean-Claude Ellena commence à réfléchir à une autre manière d’envisager son travail. Un long processus qu’il mettra plusieurs années à concrétiser. Il considère en effet qu’il est impossible de maîtriser réellement toutes les odeurs, il faut donc faire un choix. Le parfumeur sélectionne 200 senteurs pour les connaître, les mémoriser sur le bout des doigts. Il veut connaître les odeurs, comme un peintre sa palette, un sculpteur sa matière.