Écosse : Au son du «yes» et du «no»

4 janvier 2015  |  dans International

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En Écosse, les partisans du « oui » à l’indépendance et leurs opposants ont donné de la voix, samedi 13 septembre, à l’occasion du dernier week-end de campagne avant le référendum programmé jeudi. Difficile de savoir de quel côté penche la balance. Chaque camp est très mobilisé pour cette dernière ligne droite.

« Bonjour ! Je suis bénévole pour le oui, avez-vous un instant à me consacrer ? ». Cette phrase, Polly, 43 ans, l’a prononcée un bon millier de fois. Yeux verts et cheveux bouclés, cette fervente militante du « Yes » a parfois mal aux phalanges à force de taper aux portes de son quartier. Depuis cinq mois, cette artiste-plasticienne mère de deux enfants, bat le pavé avec ses camarades, partisans de l’indépendance. « À mon avis, on est passés partout » souffle Polly, en cochant les cases des maisons visitées. Mais, à moins d’une semaine du référendum, alors que l’écart dans les sondages se resserre – 49 % pour, 51 % contre -, hors de question de se relâcher.

« Nous allons tout réinventer »

Dans les deux camps, les opérations porte-à-porte, distribution de flyers, meetings, posts sur les réseaux sociaux, se multiplient à un rythme effréné. Dans la presse, à la radio, comme à la télévision, les journalistes ne parlent qu’indépendance. Sur les fenêtres, les devantures des magasins, les portières de voitures, partout, fleurissent des pancartes « Yes » et « No, thanks ». Jamais l’Écosse n’aura connu débat plus passionné.

« D’habitude, les gens ne votent pas, témoigne Polly dont le sang d’Irlandaise du Nord bouillonne comme jamais. Westminster se fichent bien des Écossais qui ne représentent que 5,2 millions de personnes ». Cette fois, personne ne veux manquer la fête : 4,2 millions de citoyens se sont inscrits pour le vote du 18 septembre, un record absolu. « Pour une fois, notre avis compte, s’enflamme la militante qui continue sa tournée. Nous allons écrire une nouvelle constitution, tout réinventer ! » Mais ce tournant historique fait autant rêver le camp indépendantiste, qu’il fait trembler les tenants du « No ». Comme cette mère de famille, trois enfants accrochés à ses basques, qui lui ouvre gentiment sa porte : « Je vais voter non car je veux que mon pays reste le même. Nous sommes mieux ensemble. » (« Better together » est le slogan des No). Fin de la discussion.

« À chaque fois que j’entends une cornemuse… »

Plus loin, un autre bénévole s’entendra répondre : « Mon grand-père est mort en se battant aux côtés des Anglais contre les nazis, donc je vote non ! ». Il sera le seul à avancer l’argument. Les autres habitants de ce quartier de l’Est d’Édimbourg, parlent impôts, armée, commerce extérieur, sécurité sociale… Il faut dire que les incertitudes qui pèsent sur la possible Écosse indépendante, sont si nombreuses qu’elles tétanisent de nombreux habitants.

Ainsi, très inquiets, deux retraités interrogent Polly sur l’avenir de leurs pensions, versées par Londres. Une quinqua, sac de courses à la main, demande si sa fille, salariée dans une banque anglaise, conservera son job. Sur le parcours de Polly, les questions se suivent et ne ressemblent pas. Comme partout ailleurs… Dans ce pub d’un quartier huppé d’Édimbourg qui tient lieu de salle de meeting, c’est la « trahison au parti travailliste anglais » – fer de lance du « Non » – qui inquiète Eileen, assistante sociale. Assis en face d’elle, Sinclair Mac Cambell, figure quinquagénaire du clan éponyme, la rassure : « Moi, je suis le seul de mon club de golf à voter pour le « oui », c’est normal il n’y que des hommes d’affaires qui ont peur de payer plus d’impôts, ils ont fini par s’habituer que je ne voterai pas comme eux ». Ancien chef d’une entreprise de bâtiment, Sinclair, 74 ans, dont la retraite est placée en Angleterre, aurait pu choisir le camp du Non. L’argument qui l’a convaincu de voter « Oui » ? « Je suis un sentimental, à chaque fois que j’entends une note de cornemuse, les larmes me montent aux yeux ».

« Une bataille entre la tête et le coeur »

Il est 9 h 30, a Glenkinchie, hameau perdu des Lowlands, surtout connu des amateurs de Whisky. À 50 kilomètres de la capitale, les bruits de la ville ont fait place au chant des oiseaux. De la cheminée de l’imposante bâtisse victorienne, s’échappe une fumée noire et… une lointaine odeur maltée. Et pour cause : Ici, chaque année, sont distillés 2,6 millions de litres d’un des plus prestigieux scotch whisky, breuvage national et fierté des Écossais. Exporté à 90 %, le précieux liquide ambré est la deuxième ressource du pays, derrière le pétrole. Si les Écossais venait à voter « oui » à l’indépendance, il faudra repenser les systèmes de taxes, considérer l’appartenance à l’Europe, protéger la marque… Autant d’incertitudes qui font trembler les puissants propriétaires des 109 distilleries nationales. « Nous sommes deux pays différents » À Glenkinchie, comme partout ailleurs, le référendum d’indépendance est dans toutes les têtes. Scott, la petite quarantaine, directeur technique de la distillerie, votera « oui ». Cheveux bruns et regard malicieux, cet ingénieur en chimie est fier de son identité écossaise. «Nous sommes deux pays différents, avec deux cultures propre », claironne cet amoureux de l’Écosse. Et, je ne suis pas du tout inquiet pour mon emploi, le label « scotch whisky » sera toujours attaché à notre territoire. Et qui vous dit que les taxes vont augmenter ? Aujourd’hui, les impôts vont dans les poches des Anglais, maintenant ce sera pour nous ! ». Un peu plus loin, Adam, ouvrier de 54 ans, sourit derrière la console qui contrôle deux gigantesques alambics au cuivre étincelant. « Je n’ai pas encore pris ma décision, confie timidement, le manœuvre descendant d’une longue lignée d’employés de la distillerie. D’un côté je voudrais voter « oui » pour donner une chance à mon pays, mais d’un autre, je crains que tous les Écossais qui travaillent pour les Anglais, se retrouvent au chômage, c’est angoissant ». Adam se tape la main sur la poitrine : « Le problème avec le référendum, c’est que c’est une bataille entre la tête et le coeur ».