Continental, une aubaine pour les ouvriers roumains

11 mars 2010  |  dans Economie, International

photo : A. Cano/Youpress

photo : Amélie Cano/Youpress

A Timisoara, Continental ne connaît pas la crise. Alors que la firme allemande a fermé son site à Clairoix (Oise), son usine roumaine tourne à plein régime. Elle a augmenté sa production ces derniers mois et continue d’embaucher. Les ouvriers roumains, eux, tentent de profiter de la manne. Reportage.

Il est 15 heures. Les abords de l’usine Continental, dans la banlieue de Timisoara, commencent à s’animer. C’est en effet l’heure de la relève entre les équipes du matin et celles de l’après-midi. Les ouvriers se mêlent peu à peu au ballet incessant des camions qui traversent la zone industrielle. Quelques uns arrivent à pied, d’autres en voiture, et certains dans les bus affrétés par la compagnie.

A la sortie de l’usine, Vasile, la trentaine, fume sa cigarette. Il travaille à Continental depuis deux ans. En bout de chaîne, il s’occupe de la finalisation des pneus. « C’est une très bonne société, les conditions de travail sont correctes, et on a les meilleurs salaires de Timisoara » assure-t-il. Un de ses collègues, assis un peu plus loin, confirme : « c’est très rassurant de travailler ici. C’est une grosse entreprise, on n’a pas peur de la crise ». Une déclaration qui peut surprendre, vu de France. Mais c’est pourtant une réalité : Continental se porte très bien en Roumanie.

« Aucun lien avec Clairoix »

Inaugurée en septembre 2000, l’usine de Timisoara n’a cessé de croître ces neuf dernières années, pour atteindre une production annuelle de 12 millions de pneus en 2008. Et le site a semble-t-il traversé sans encombre la crise financière. Tous les ouvriers assurent que la production a augmenté ces derniers mois, grâce aux commandes de Dacia. Ce sont en effet les pneus fabriqués à Timisoara qui équipent la célèbre Logan, produite à l’autre bout du pays. Une information confirmée du bout des lèvres par la direction de l’usine : « Dacia est un client essentiel pour Continental. Face à la hausse de la demande, le constructeur a du augmenter sa production ces derniers mois » nous déclare-t-elle dans un communiqué.

Malgré notre demande, le directeur de l’usine, Thierry Wipff, n’a pas souhaité nous recevoir. Ancien directeur du site de Clairoix, de 2001 à 2007, c’est lui qui avait négocié le passage aux quarante heures de travail hebdomadaires. Il tient cependant à nous préciser, par la voix de son assistante, qu’il « n’y a aucun lien entre la fermeture de Clairoix et la situation à Timisoara ». Il ajoute que « même en Roumanie, Continental a du recourir au temps partiel et aux baisses de salaires ».

Une époque qui semble révolue. L’usine a recruté une quarantaine de salariés cet automne, et prévoit d’autres embauches d’ici décembre. Nous croisons d’ailleurs un de ces nouveaux ouvriers sur le parking. Tout sourire, son contrat à la main, il vient de se faire embaucher comme opérateur à l’expédition. « Je suis très content, parce que c’est la crise à Timisoara, ça devient vraiment dur de trouver du travail » explique-t-il. La deuxième ville de Roumanie, destination favorite des investisseurs étrangers, est en effet durement touchée par la crise financière. Alors que le chômage a doublé en Roumanie cette année, l’usine Continental fait plus que jamais figure de refuge pour les ouvriers de Timisoara.

Marius, 470 euros par mois

Marius Sergiu Marinescu travaille depuis trois ans à Continental, à la section construction.
Souriant, la casquette vissée sur la tête, Marius Marinescu arrive pour la relève de l’après-midi. Jovial, il interpelle ses collègues. Tout le monde semble le connaître à l’usine. Cela fait trois ans qu’il travaille comme ouvrier sur le site de Timisoara. « Avant, je travaillais pour une petite fabrique de meubles, les conditions étaient beaucoup plus mauvaises qu’ici » raconte-t-il. Mais qu’est-ce que sont de bonnes conditions de travail pour un ouvrier roumain d’une trentaine d’années comme lui ? « A Continental, on ne nous demande presque jamais d’heures supplémentaires. On travaille huit heures par jour, le travail est assez dur, mais le directeur et les contrôleurs ne nous imposent jamais de pression inutile » assure-t-il. « Pour se faire renvoyer, il faut vraiment commettre une énorme erreur. Moi par exemple, j’ai commis une grosse erreur sur la chaîne il y a un mois. Je n’étais pas attentif, et il y a eu de la casse. Et bien je n’ai pas été renvoyé, ils ont juste retenu une partie de mon salaire pendant deux mois pour rembourser les dégâts » explique-t-il. Mais le principal avantage de Continental pour Marius, c’est le salaire. Un des meilleurs de Timisoara pour les ouvriers. « Un ouvrier gagne en moyenne 1500 à 2000 lei bruts par mois (entre 350 et 470 euros, ndlr) » assure Marius. Un salaire moyen équivalent à celui des ouvriers de Dacia, de 18 à 35% supérieur au salaire moyen en Roumanie (1300 lei en 2008, soit 305 euros environ)