Le mystère Dylan

18 novembre 2007  |  dans Culture

credit : DR

photos : Jerry Schatzberg

Alors qu’un film lui est consacré, que paraissent biographies, compilations, Dvds… Bob Dylan est partout… et nulle part à la fois. L’homme reste une des figures les plus mystérieuses de la musique moderne.

Comment brosser le portrait de Dylan ? C’est le problème auquel s’est confronté Todd Haynes, le réalisateur d’ « I’m not there », une biographie filmée du chanteur. Artiste multi-faces et mystérieux, à 66 ans et plus de quarante albums, Bob Dylan semble avoir vécu plusieurs vies.

Tour à tour chanteur folk contestataire, poète admirateur de Rimbaud, dandy rock, ermite, juif, prophète chrétien… Assumant ses contradictions et servant aux journalistes, lors des très rares interviews qu’il accorde, une version constamment réinventée de sa vie et de sa légende. Todd Haynes, évitant le récit linéaire, a choisi 6 acteurs, chacun incarnant un des aspects de la personnalité de Bob Dylan. Difficile de comprendre le puzzle de la carrière et de la vie du chanteur, mais on peut en assembler quelques pièces.

Dylan à la recherche de lui-même

Dylan, de son vrai nom Robert Allen Zimmerman, est né en 1941, issu d’une famille d’immigrés Juifs d’Europe de l’est (sa grand-mère venait d’Odessa). Il a passé son enfance dans le Minnesota : à Duluth, port isolé près des immenses étendues des grands lacs américains puis dans la petite ville d’Hibbing. Avec sa guitare pour seul bagage, comme le veut la légende, il débarque à New York au début des années 60. Fan de Woodie Guthrie, il rencontre le chanteur et guitariste folk, alors gravement malade et s’intègre dans la scène renaissante de Greenwich Village. Le jeune-homme fluet à la voix nasillarde devient vite un des fers-de-lance d’une nouvelle génération de « protest singers ». Il dénonce le racisme, et s’engage pour l’égalité civique des droits pour les Noirs américains. Sa chanson, « Blowin’ in the wind » (1962), reprise par les étudiants sur les campus devient l’emblème de ce combat. Mais Dylan ne veut pas être un porte parole, encore moins un prophète, et comme souvent dans sa vie, il fuit.

En 1965, les Beatles sont passés par là et Dylan branche le courant : son folk devient électrique. Lorsque les guitares saturées accompagnent sur scène ses chansons, il est hué par les fans de la musique folk. Ses premiers admirateurs le traitent de « Judas ». Il publie, en deux ans, une trilogie électriques essentielle : « Bringing It all back Home », « Highway 61 revisited », « Blonde on Blonde ». Le Dylan d’alors joue d’un physique androgyne, tout en noir, jusqu’aux lunettes derrière lesquelles il se cache (dans « I’m not there », il est d’ailleurs interprété par l’actrice Cate Blanchett). En 1966, suite à un accident de moto, qui le force au repos, il s’isole et vit en ermite à Woodstock. Il cesse les frasques de sa courte carrière de rock star (la drogue l’avait rendu faible et fantomatique).Il revient alors aux fondamentaux de la country et du folk. En 1979 on découvrira stupéfait un Dylan, juif converti au christianisme, dont les chansons ressemblent souvent à des sermons. Ce « personnage » il l’a délaissé quelques années plus tard.

Après un passage à vide dans les années 1980, il continue aujourd’hui d’explorer les racines de la musique américaine s’adapte en gardant continuellement un lien avec le passé. Il enregistre aussi bien avec des musiciens de jazz que de reggae.

Derrière ses différents masques, on retrouve un poète, amoureux des mots. Ses textes, de l’engagé à l’intime, jouent avec la langue et sont riches d’images fortes. Parmi ses idoles, il cite Brecht et Rimbaud. On pense alors à cette citation du poète français : « Je est un autre », tant elle sied à Dylan. Mais qui est-il vraiment ? Quel homme se cache derrière cette multitude de visages ? Lui-même à un jour répondu à cette question, avec humour et recul, lors d’une conférence de presse en 1960 : « Je suis Bob Dylan quand j’ai besoin d’être Bob Dylan. Le reste du temps, je suis moi-même ».

I’m not there, film américain de Todd Haynes, avec Cristian Bale, Cate Blanchett, Richard Gere, Charlotte Gainsbourg…

– A recommander : le livre de François Bon : Bob Dylan, une biographie. Editions Albin Michel.

– La Bande Originale du film I’m not there (Reprises des chansons de Dylan par Sonic Youth, Cat Power, Yo la Tengo…) (Columbia/Sony BMG)

– Coffret 3-CD « Dylan » (Columbia/Sony BMG)

– DVD « The Other Side Of The Mirror : Bob Dylan »