Afrique du Sud : vers la fin de la domination de l’ANC ?

19 avril 2009  |  dans International

Devant le QG de l'ANC à Johannesburg. Photo : Juliette Robert/Youpress

Devant le QG de l'ANC à Johannesburg. Photo : Juliette Robert/Youpress

Quinze ans après la fin de l’apartheid, le vote du 22 avril, première étape pour désigner le prochain président de l’Afrique du Sud, pourrait révéler une baisse de popularité de l’African National Congress (ANC), connu pour son rôle dans la lutte anti-ségrégation. Une page qui se tourne ?

Malgré des sondages encourageants, l’ANC, au pouvoir en Afrique du Sud depuis les premières élections multiraciales de 1994, pourrait subir une certaine déconvenue. Si l’enjeu final du scrutin reste la désignation du nouveau chef de l’Etat – très probablement Jacob Zuma -, d’autres enjeux sous-tendent le vote.

Manque de soutien sincère

La naissance du Congress of the People (COPE), issu des rangs même de l’ANC, a affaibli la mythique formation, cependant encore très populaire pour avoir mis fin au régime de ségrégation. Pourtant, selon Collette Schulz-Herzenberg, de l’Institut of Security Studies, beaucoup «ne votent pas ANC par soutien sincère mais parce qu’ils ne regardent pas les autres partis». Le Democratic Alliance (DA) se pose en parti leader de l’opposition. Ces deux formations ne devraient en tout réunir qu’une minorité des voix, mais peut-être suffisamment pour que l’ANC ne remporte pas les deux tiers des sièges au Parlement – avec pour, conséquence, de plus grandes difficultés à faire passer lois et changements de Constitution. Ce serait la première fois depuis l’accession de Nelson Mandela au pouvoir.

Corruption

« Cette fois-ci, je ne voterai pas, lâche Steve Arden, propriétaire d’une auberge de jeunesse. J’ai longtemps voté ANC, mais je ne me sens plus représenté par personne. » Beaucoup sont déroutés, comme lui, par les affaires de corruption dans lesquelles est impliqué Jacob Zuma. Mais au siège du parti, l’engouement pour lui est total: fanions, tee-shirts, compte à rebours qui sonne déjà comme une victoire et la certitude tranquille de réussir là où les autres partis échoueront. « Il sera président, c’est sûr, clame Ishmael Mnisi, chargé de la communication. Mais aurons-nous la majorité des deux tiers? »

L’insécurité, xénophobie et racisme

Les défis du prochain mandat seront nombreux. «L’insécurité est la question clé de ce vote», affirme Jack Bloom, représentant du DA pour la province du Gauteng. Avec près de 20.000 meurtres, autant de tentatives d’homicides et 50.000 viols déclarés par an, le pays connaît l’une des criminalités les plus élevées au monde, qu’il combat à coup de murs et de barbelés qui séparent quartiers aisés et townships. Tandis que des compagnies de sécurité privées patrouillent sans cesse dans les quartiers riches. «La question de l’immigration est aussi essentielle», ajoute JackBloom, faisant allusion aux émeutes xénophobes de 2008, qui ont fait une vingtaine de morts chez des Zimbabwéens. En effet, la question du racisme, ou du moins, des fortes inégalités qui persistent entre Noirs et Blancs, reste l’une des problématiques les plus tendues. Ceux qui étaient «auparavant désavantagés», (Noirs, métis, Indiens et femmes dans la terminologie actuelle), souffrent toujours d’un chômage plus important, malgré le Black Economic Empowerment, programme de discrimination positive mis en place en 2004. L’éducation est l’un des points faibles du pays: il faut désormais former les cadres noirs qui dirigeront la société de demain.

Le fardeau du sida

Le sida, fléau lancinant, touche officiellement 5,6millions de personnes, «probablement plus» selon l’ONG HapyD, opérant dans le township de Soweto. La pandémie commence d’ailleurs à faire ressentir ses effets négatifs dans l’économie. Depuis l’arrivée de l’ANC au pouvoir en 1994, des progrès ont néanmoins été faits en matière de construction de logements (trois millions de maisons), d’accès à l’eau potable et électricité. Des points forts qui assurent encore à la formation une large assise populaire. Suffisamment pour rester encore, et de loin, la première force politique en présence?