Spencer Tunick, un Américain engagé en Bourgogne

5 octobre 2009  |  dans France, Société

photo : Delphine Bauer/Youpress

photo : Delphine Bauer/Youpress

L’artiste, qui fait régulièrement poser des milliers de volontaires nus dans des décors incroyables, pour parler du rapport de l’homme à la nature, choisit le vignoble mâconnais pour son rassemblement du 3 octobre. Le but ? Dénoncer les conséquences du réchauffement climatique sur le vin, en partenariat avec Greenpeace. Interview.

En tant que plasticien, pourquoi vous sentez-vous si impliqué dans la lutte contre le réchauffement climatique ?

A New York, je me suis engagé dans beaucoup de causes différentes, pour aider les sans abris, pour soutenir Médecins du monde ou encore pour lutter contre le sida. Quand Greenpeace m’a contacté pour organiser un « art gathering » (littéralement « rassemblement artistique »), j’ai accepté, car quand j’étais petit, ses membres représentaient pour moi les superhéros de l’activisme. Quand je réalise une installation, je me sens moi aussi activiste, mais je reste surtout à ma place d’artiste. L’art a un potentiel incroyable pour faire changer l’opinion des gens.

Sur la protection de l’environnement, j’essaie de faire de mon mieux au quotidien : j’achète uniquement sur des marchés fermiers, ma femme et moi sommes contre les jouets en plastique pour nos enfants, on recycle, on ne possède qu’une voiture et on privilégie le train…Ca nous fait nous sentir mieux, en nous donnant une sorte de richesse nouvelle.

Pourquoi choisir la Bourgogne ?

Le vin est très important pour les Français d’un point de vue culturel. Dans cette région, les frontières géographiques de culture du pinot noir sont très précises. Un réchauffement climatique pourrait toucher directement les producteurs en modifiant cette délimitation spatiale (et en remettant en cause de la typicité du vin, ndlr)

Venir en Bourgogne n’est donc pas un hasard, c’est une région de vins. Le viticulteur (bio, ndlr) qui nous reçoit sur ses terres avait été volontaire sur une installation vivante à Lyon, en 2005. Je voulais aussi un accès facile de Paris et des autres grandes villes, et permettre aux gens de se déplacer sans voiture.

Mais cette installation se présente en réalité comme une métaphore des conséquences du réchauffement climatique sur l’agriculture en général : la température qui augmente, la survie de familles en question… Il faut faire prendre conscience qu’un désastre bien plus grand finira par arriver. Je suis convaincu qu’il n’est pas trop tard pour agir. Disons qu’il est temps pour nous de faire le sacrifice des choses que l’on aime pour penser aux autres.

Vous attendez des centaines de volontaires qui poseront nus dans des vignobles. Parlez-vous un peu de ce dispositif impressionnant.

Aujourd’hui nous ne sommes plus connectés physiquement à la nature. On nous parle de chirurgie esthétique, alors que rien n’est plus sain pour soi que de prendre soin de l’environnement. Je ne trouve pas le rapport à la nudité agressif, contrairement à certains. Pour une partie des volontaires, c’est presque thérapeutique. Ils parviennent à se sentir plus confiants en eux-mêmes. Et puis, il y a cette connexion avec les autres personnes présentes qui se créée. D’autres modèles apprécient de faire partie d’une œuvre d’art contemporaine, avec ce quelque chose qui les dépasse. Ils recevront tous un cliché dédicacé de l’installation. Mais dans tous les cas, ils ne se mettent pas nus juste pour se mettre nus, il y a une adhésion à la lutte derrière.