Bestiaire merveilleux et plantes secrètes

28 juin 2013  |  dans France, Société

youpress rennes l expressL’université des sciences de Rennes-1 abrite sur son campus de Beaulieu une exceptionnelle collection de sciences naturelles connue de seuls quelques initiés.

Quelle surprise de découvrir, derrière une banale porte rouge, un jeune cerf au regard interrogateur. Autour de lui, martres et belettes, toutes dents dehors, intiment au visiteur de se tenir coi. Bienvenue dans la galerie de zoologie de la faculté des sciences. Bien que figés dans le temps, ses milliers d’occupants semblent pourtant bien vivants. Antilopes, lynx, squelette d’éléphant, scorpions en bocaux… Si cet incroyable bestiaire a élu domicile dans les couloirs de l’université, c’est avant tout pour des raisons pédagogiques. Objet d’étude pour les étudiants de biologie, il sensibilise les écoliers aux mystères du monde animal.

Cette galerie est aussi un témoignage exceptionnel de l’évolution des sciences à travers les siècles. Responsable de la collection, Gaëlle Richard sort d’une vitrine un paradisier, très bel oiseau à la magnifique queue. « Cette espèce a été découverte lors de l’expédition de Magellan en 1521. Quand les marins ont envoyé des exemplaires en France, ils leur ont coupé les pattes pour faciliter le transport. Mais les zoologistes, qui n’avaient jamais vu ces spécimens, ont cru qu’ils naissaient ainsi. Ils les ont donc baptisé oiseaux du paradis, car c’était pour eux le seul endroit où de telles créatures pouvaient exister » raconte-t-elle. Dans la réserve, au sous-sol du bâtiment, la scientifique montre des planches où sont dessinées des fleurs de houblon. Détail étrange : elles sont rédigées en allemand. « Elles datent de 1915 et auraient été données à la France comme réparation des dommages de guerre » explique la jeune femme. « Ces planches étaient utilisées en cours. Elles étaient accrochées dans l’amphithéâtre et les étudiants venaient noter les informations et refaire les dessins ».

Expéditions lointaines

rennes youpress l expressLe parcours de certains animaux reste méconnu. Qui était donc ce M. Jallot qui offrit, entre 1825 et 1908, un ibis d’Amérique, un jacamar du Brésil et un émeu d’Australie ? Mystère. D’autres, en revanche, sont bien connus. Tel le lion de l’atlas, fierté de la galerie, donné par la ménagerie Bidel à sa mort en 1898. Ou ces oiseaux achetés chez Fric, fournisseur de matériel pédagogique. Sans oublier les collections entomologiques, patiemment élaborées par des passionnés. Les milliers de papillons de l’industriel Charles Oberthür côtoient ainsi les 100.000 spécimens d’insectes de l’université.

« Ils sont essentiels pour étudier la biodiversité car ils permettent d’observer l’évolution et la répartition des espèces » s’enthousiasme Gaëlle Richard. Même son de cloche dans les réserves botaniques où dorment 120.000 plantes. Audrey Chambet manipule avec délicatesse une fleur datant de la Révolution. « On reconnaît à nouveau l’importance scientifique des herbiers. Ils sont par exemple indispensables pour déterminer de nouvelles espèces » observe la jeune femme. Sixième collection universitaire de France par sa richesse – elle compte aussi 5000 instruments scientifiques – ce patrimoine a pourtant été longtemps oublié. Sauvegardé par des enseignants passionnés, il pourrait s’offrir une seconde vie grâce au projet d’arche des sciences porté par la faculté. En attendant, les amoureux des collections tentent de récolter des fonds via la fondation de l’université.

 

youpress rennes Cet article fait partie d’une série de reportages réalisés dans le cadre du dossier « Les trésors cachés de Rennes », 20 pages consacrées au patrimoine historique méconnu de la capitale bretonne et publiées en juin 2013 dans L’Express. A lire également : Quand le passé enfoui refait surface.