« Quand on arrive devant les psys de la Sofect, il faut avoir envie de mourir » : enquête sur les équipes « officielles » du parcours trans

7 janvier 2019  |  dans Enquêtes

Marche Existrans 2015 - Julie Missbutterflies / Flickr

Marche Existrans 2015 – Julie Missbutterflies / Flickr

Depuis sa création, la Société Française d’Études et de prise en Charge de la Transidentité (Sofect) s’est arrangée pour devenir incontournable pour la prise en charge des personnes trans. Après des années à traîner une réputation déplorable auprès des concerné.e.s, elle tente aujourd’hui de redorer son image… en vain ? Komitid a mené l’enquête.

Depuis les années 90, en France, des centaines de personnes trans sont passées entre les mains d’équipes médicales pluridisciplinaires. Car entre 1992 et 2016, le changement d’état-civil ne pouvait être effectué sans chirurgie génitale. La Société Française d’Études et de prise en Charge de la Transidentité (Sofect) s’est arrangée pour devenir incontournable au sein de l’hôpital public. Problème, certains de ses membres ont tendance à soigner celles et ceux qui ne devraient pas l’être. Car la transidentité n’est pas une maladie. Démarches pathologisantes, protocoles fermés et binaires, questionnaires intrusifs… la Sofect traîne une terrible réputation chez les premier.e.s concerné.e.s. Mais la clique des blouses blanches l’affirme : elle aurait évolué avec la société et se serait rachetée une vertu. Alors, vrai ou faux ?

Une « spécialité » créée ex-nihilo

Un après-midi d’hiver, les couloirs du Pôle Villemin de l’Université Paris Diderot grouillent d’étudiant.e.s en médecine. Dans une salle à l’étage, c’est une autre ambiance. Des dizaines de jeunes et moins jeunes professionnel.le.s de la santé, des psychiatres, endocrinologues, chirurgien.ne.s ou infirmie.re.s sont venu.e.s de la France entière pour participer à la cinquième édition du diplôme inter-universitaire (DIU) de « prise en charge de la transidentité ». Il est dispensé chaque année depuis 2013 par la Sofect dans le cadre de la formation médicale continue et en collaboration avec quatre pôles universitaires : Paris-Diderot Paris 7, Claude Bernard Lyon 1, Bordeaux 2 Segalen et Aix-Marseille 2.

Pendant quatre semaines, différents protocoles psychiatriques, hormonaux et opératoires chez l’adulte ou l’enfant, sont décrits à un auditoire avide de connaissances. Des cours magistraux sur « l’histoire de la prise en charge du transsexualisme en France » (sic), sur « le droit et l’état civil en France et en Europe » ou « la préservation de la fertilité » leur sont aussi présentés (voir ici). 37 séances pour que ce public, en grande majorité novice, devienne « spécialiste ». « Depuis un an et demi, dans l’hôpital dans lequel j’exerce, on a une très forte demande surtout des publics adolescents », explique une endocrinologue de l’Ouest de la France. « Je me sens un peu perdue et je me suis inscrite pour obtenir des réponses ».

Nous assistons à l’une des toutes dernières séances du diplôme, celle consacrée aux « relations avec les associations de patients ». C’est la première fois dans le cadre du diplôme, que les participant.e.s rencontrent des premières concernées, quatre femmes membres ou fondatrices d’associations : Trans-Europe, Arc-en-ciel Toulouse et Prévention action santé travail transgenre (Pastt).

« C’est important de garder un lien avec les équipes médicales et c’est une chance de pouvoir donner notre point de vue », explique Léa Dumont (anciennement membre de l’association Mutatis Mutandis) à son auditoire. Au premier rang, Marc Revol acquiesce, il est chirurgien plasticien à l’Hôpital Saint Louis, secrétaire général de la Sofect, qu’il a cofondé, et directeur du diplôme. Pendant une heure et demi, tour à tour, elles évoquent leur point de vue sur la réalité des parcours trans en France et ailleurs : le fait d’être acceptée ou non dans un protocole peut être vécu comme une sanction, « c’est comme passer sous les fourches caudines », les délais sont trop longs. Elles racontent aussi le trop grand nombre de personnes qui se donnent la mort, les difficultés liées à la transphobie dans l’accès au travail, ou pour les travailleurs et travailleuses du sexe, par exemple. Lorsque leur temps est écoulé, Marc Revol reprend la parole : « Vous voyez que nous sommes confrontés à une extrême misère humaine ». Notre malaise est profond. Une voix s’élève dans l’audience : « Pourquoi les militants et les assos trans détestent toujours la Sofect ? ».

Une histoire qui ne date pas d’hier

Le désamour entre les équipes pluridisciplinaires de la Sofect et les militant.e.s, les associations ou les personnes trans, ne remonte pas à hier. Dès le début, la prétendue spécialité médicale créée autour de la transition s’est construite in-vitro, sans collaboration avec les principaux et principales concerné.e.s. « Depuis le début, la Sofect ne s’est jamais posée comme un interlocuteur respectueux des associations sauf si elles leur étaient acquises » explique la sociologue et co-fondatrice de l’Observatoire des transidentités Karine Espineira, qui avait consacré un long article à la Sofect. « Elle oppose les usagers aux militants qui ne seraient pas de vrais trans car ils ne souffrent pas ». La militante trans-féministe Maud-Yeuse Thomas le dit, « la SOFECT a privatisé les questions trans et se place comme un service public au service de la vérité médicale. J’ai rencontré des membres de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 2010, qui ont l’habitude de traiter avec des associations de patients, ils étaient effarés de la situation d’OPA de la Sofect sur la prise en charge ».

(…) la suite à lire sur le site komitid.fr (https://www.komitid.fr/2018/05/02/parcours-trans-sofect/)