« Peu importe d’où vient l’aide du moment que nous avons à manger ! »

20 janvier 2010  |  dans International

L'arrivée des forces américaines à l'aéroport. Photo : L.Minano/Youpress

L'arrivée des forces américaines à l'aéroport. Photo : L.Minano/Youpress

La présence américaine en Haïti au lendemain du séisme  fait couler  beaucoup d’encre. Alors que les chroniqueurs du monde entier parlent d’une nouvelle « occupation » de l’île de l’Hispaniola par Washington, à Port-au-Prince, c’est surtout la lenteur de l’arrivée de l’aide humanitaire qui intéresse les Haïtiens.

« Ici on est en Haïti, on n’est pas aux Etats-Unis ! ». Aubin, avocat immigré aux Etats-Unis, est rentré après le séisme qui a dévasté Port-au-Prince, il y a plus d’une semaine. « Grâce à dieu, j’ai retrouvé ma mère, s’énerve le jeune homme. Mais ici tout le monde à faim et soif, alors pour l’instant je ne peux pas dire que l’arrivée massive des américains soit positive ». Depuis la catastrophe, il semble que Washington veuille être au premier plan de l’aide humanitaire et sécuritaire. Objectif : 10 000 soldats déployés dans les zones touchées et une aide de 100 millions de dollars. Une implication qui a fait dire à Hugo Chavez , le président vénézuélien, que Washington profitait du séisme pour « occuper le pays ». « Ils sont où les médicaments que nous promet le gouvernement US à la radio ? poursuit l’avocat. En ce moment les gens meurent parce qu’ils n’ont pas accès aux antibiotiques, c’est tout ce qu’il y a à retenir. Pourquoi ils ne laissent pas passer les vivres ? ». Aubin fait référence à la gestion de l’aéroport confiée aux Américains depuis la catastrophe. Une question qui échauffe les esprits ici en Haïti. Depuis des jours, le tarmac de la capitale est encombré par le départ des réfugiés, l’arrivée du personnel humanitaire et militaire ainsi que par la destruction de la tour de contrôle dans le séisme. Les vivres, l’eau et le matériel médical, peinent donc à arriver jusqu’aux millions de victimes du désastre. La faute aux Américains ? Difficile d’aller jusque là.

« Une alliance de circonstance»

Devant l’aéroport international de la capitale, les militaires envoyés par Washington se font discrets. A peine deux ou trois hommes pour assurer la sécurité à l’entrée. Et pourtant, ce sont des milliers d’haïtiens qui attendent à l’entrée dans l’espoir de quitter le pays. Ceux-là, sagement rangés, ont déjà passé le premier filtre de sécurité, mais plus loin, une foule impressionnante attend le passage des convois humanitaires. Dans la cohue, Célestin explique : « Nous n’avons rien contre les Américains, déclare cet haïtien d’une trentaine d’année. Peu importe d’où vient l’aide du moment que nous avons à manger ». Appuyé par ses amis qui espèrent aussi que les humanitaires leur donneront des bouteilles d’eau ou un peu de nourriture au passage, le jeune haïtien ajoute : « Français, Américains, Canadiens, Espagnols, on s’en fiche, du moment qu’on nous aide ». Derrière les barrages et la foule compacte : l’ancienne salle d’embarquement, aujourd’hui ruinée. A côté de ce qui furent les guichets de contrôle, des militaires français de la sécurité civile se reposent sur des lits d’appoint entre deux déchargements humanitaires. « Nous n’avons pas de très bonnes relations avec les militaires américains, explique l’un d’entre-eux. Ils sont mieux équipés que nous, mais ils sont radins, ils ne veulent même pas nous laisser emprunter leurs toilettes ». Et d’ajouter : « Ils bloquent nos avions, par exemple, nous avons mis plusieurs jours à arriver. Alors qu’il y a des avions américains qui atterrissent toutes les demi-heures, pour moi c’est un problème qu’ils contrôlent l’aéroport ».  Sur le tarmac, Morléan, 40 ans, et ses collègues employés de l’aéroport regardent avec circonspection. Des dizaines de militaires américains lourdement armés descendent d’un gros avion siglé US Air Force. « Je ne peux pas dire que ça me rend heureux de les voir débarquer. Nous avons une histoire en commun qui n’est pas forcément celle de l’amitié (les USA ont occupé Haïti de 1915 à 1934), mais voila c’est une alliance de circonstance. » Et de conclure : « Qui sait, peut-être l’aide américaine permettra la réconciliation entre nos deux peuples.»