Mirlande Manigat : « Ma priorité : la lutte contre le choléra »

1 décembre 2010  |  dans Femmes

Mirlande Manigat - Droits photo : DR

Mirlande Manigat - Crédits : DR

Mirlande Manigat, 70 ans, juriste, femme de l’ancien président Leslie Manigat (qui n’exerça le pouvoir que de février à juin 1988), est la favorite de l’élection présidentielle haïtienne. La candidate du RDNP (Rassemblement Démocratie Nationalisme et Progressisme) a accordé un entretien à Témoignage chrétien

Témoignage Chrétien : Quel est, pour vous, l’enjeu principal des élections du 28 novembre ?

Mirlande Manigat : Le pays est confronté à de graves problèmes. Ces problèmes, tels que l’analphabétisme, la mortalité des femmes en couche, l’accès à l’eau potable, ont été mis à nu par le tremblement de terre. Mais quelque soit le gouvernement en place, il ne pourra qu’apporter un début de solution, car on ne peut pas tout résoudre avec un mandat de cinq ans.

TC : Quelles seront vos priorités si vous êtes élue à la tête du pays ?

Ma priorité sera la lutte contre le choléra. D’abord le traitement médical et ensuite un plan d’éducation sanitaire en direction de la population. Ensuite, le sort des gens dans les camps de déplacés doit être pris en compte. Il faut que ces Haïtiens aient accès à l’eau, à la nourriture et à la lumière. Mais à Haïti, tout est une priorité, la santé, l’éducation, l’eau, la construction des routes. 40% des Haïtiens n’ont même pas d’acte de naissance, ils ne sont pas reconnus par l’Etat. Ceci est la première atteinte aux droits de l’homme dans notre pays. Je n’envisage donc pas de faire redécoller le pays avant 10 ou 15 ans.

TC : Les ONG sont superpuissantes à Haïti, encore plus depuis le tremblement de terre. Comptez-vous faire comme vos prédécesseurs et gouverner avec elles ?

Comme vous le dites, les ONG sont superpuissantes. Il faut faire la distinction entre les ONG qui étaient présentes avant le séisme, comme Médecins sans frontières et Oxfam, qui inspirent confiance, et les autres… Il faut dire que l’aide internationale de 11 milliards de dollars a attiré nombre d’entre elles, tel un essaim d’abeilles à l’affut de cet argent. Il faudra d’ailleurs rediscuter de la répartition de cet argent car le gouvernement est là avec ses institutions et on sait très bien que dans ce pays « qui paye, commande ». Or 60% du budget de l’Etat provient de donateurs extérieurs comme la Banque mondiale ou les Etats-Unis.

TC : La présence des forces de l’ONU est largement décriée par une partie des Haïtiens, surtout depuis que le bataillon népalais est accusé d’avoir importé la bactérie du choléra dans le pays. Que comptez-vous faire à ce sujet ?

Haïti est un pays occupé par la Minustah. Ils sont 10 000, ce sont des militaires, avec leurs armes et leurs casques, cette présence est anormale. Et ce, même si Haïti fait partie des membres fondateurs de l’ONU. Toutefois, il serait irresponsable de demander brusquement le retrait de la Minustah, car elle a un rôle dissuasif. Il faut donc négocier un départ progressif. Mais n’oublions pas qu’Haïti n’est pas un pays en guerre.