« Le gouvernement instaure l’Etat de guerre dans les écoles »
2 juin 2009 | Leila Minano dans France, Société
Christiane Allain, secrétaire générale de la FCPE, la première fédération de parents d’élèves, revient sur les mesures annoncées par Xavier Darcos et Nicolas Sarkozy pour lutter contre la violence scolaire. Pour elle, Ecole doit rimer avec éducation, non avec répression.
Que pensez-vous des solutions avancées par le gouvernement contre la violence scolaire ?
A mon sens, avant de parler des solutions, il faut identifier les problèmes. Le gouvernement nous explique que la violence est partout, que dans tous les établissements on est en état de guerre. C’est pour le moins exagéré. Il y a des écoles où il n’y a aucun problème de violence, et certaines d’entre-elles sont même situées en zones sensibles !
Vous ne constatez donc pas d’augmentation de la violence scolaire ?
Je n’ai pas dit cela. C’est un fait, il y a une augmentation des comportements violents dans la société en général, et l’école n’y est pas imperméable. A l’école elle est plus importante car encouragée par les jeux vidéo, la télévision, mais aussi les difficultés économiques et sociales auxquelles sont confrontés de plus en plus de foyers. Toute cette souffrance, l’enfant l’emmène dans l’enceinte de l’école et quelques fois, il « pète les plombs ». Mais ce n’est pas en instaurant l’état de guerre dans les établissements que l’on pourra y remédier.
Dans ce cas pourquoi, à votre avis, le gouvernement a-t-il décidé de mettre en place ces mesures ?
Nous sommes en période d’élections européennes et l’électorat de Nicolas Sarkozy est très sensible aux mesures sécuritaires. C’est toujours la même chose, dans ces périodes-là, le gouvernement se jette sur un évènement malheureux, (le 15 mai, près de Toulouse, un élève de 13 ans avait poignardé une enseignante, ndlr), pour faire sa communication. Le gouvernement a clairement instrumentalisé cet événement à des fins électorales.
Que faut-il faire alors pour que les écoles fonctionnent dans la sérénité ?
L’école est avant tout un lieu d’éducation et non de répression. Pour réduire la violence scolaire, il faut restaurer la confiance entre les jeunes et les adultes. Mais comme peut-on le faire, alors que le nombre d’adultes dans les classes diminue de jour en jour. Je ne parle pas seulement des enseignants, mais aussi des infirmières, des médecins scolaires, des pions, des assistantes sociales, des dames de cantines, des employés d’entretien. Leur absence, ne serait-ce que dans les couloirs de l’école, c’est un fait, entraîne ces comportements déviants dans les établissements. En supprimant deux postes de fonctionnaires sur trois, on ne peut pas s’étonner que la violence scolaire augmente. Et un portique ne remplacera jamais un adulte.
Pensez-vous que la fouille des cartables puisse être efficace contre l’entrée des armes dans les écoles ?
Après avoir fait la queue pendant une heure devant le portique, comme à l’aéroport, à attendre que son tour arrive. Après avoir retiré ses barrettes, la moindre pièce de monnaie de ses poches pour éviter que l’alarme ne se déclenche, l’élève devra se soumettre son cartable à une fouille en règle… Je crois que cette mesure est vraiment l’inverse de ce qu’il faut faire ! Comment voulez-vous restaurer la confiance entre élèves et adultes si les éducateurs deviennent des policiers ? Instaurer des fouilles ne fera que multiplier les incidents et creuser le fossé entre éducateur et élève.
Xavier Darcos a affirmé qu’il voulait « sanctuariser » l’école. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que l’école doit rester ouverte sur la ville, sur la cité. Il faut au contraire rétablir le lien entre la ville et l’école, les parents, les associations doivent se sentir libres de travailler avec la communauté éducative. De toute façon, on ne peut pas mettre les enfants à l’abri dans un bunker. Par contre, si par « sanctuariser », le ministre entend rétablir le respect dans l’enceinte de l’établissement, là je suis d’accord. Mais ce n’est pas supprimant les moyens humains que cela se fera. En faisant cela on fragilise l’école, jusqu’au jour où la violence va vraiment exploser.