Les sinistrés de L’Aquila mobilisés pendant le sommet du G8

11 juillet 2009  |  dans International

Photo : Leïla Minano/Youpress

Photo : Leïla Minano/Youpress

Trois mois ont passé depuis le séisme du 6 avril, causant la mort de 300 personnes à L’Aquila. Et les campements installés en toute urgence au lendemain de la catastrophe font désormais partie du paysage. C’est bien là le problème. En théorie, les tentes plantées par centaines dans la province des Abruzzes sont censées disparaître en septembre, avant les premiers froids. « Onze mois d’hiver et un d’été », dit l’adage local.

Lequel fait craindre le pire aux résidents. « Si le gouvernement parle de quelques mois, c’est certainement pour nous apaiser. Je pense que ce sera plusieurs années », lâche Silvia, ancienne étudiante de L’Aquila, lors de la soirée de commémoration aux victimes, le 5 juillet. A L’Aquila, les camps de réfugiés sont légion. Il y en aurait, au total, une quarantaine dans les environs. « Mais avec un nombre de résidents que l’on ignore pourtant », informe Francesco, un volontaire de la Croix Rouge dans le camp de Collemaggio. Ici, plus de 300 personnes cohabitent. Le parterre de la basilique attenante a été réquisitionné pour devenir le terrain d’un vaste camp aux allures militaires. Ronald et Paolo, deux résidents d’une quarantaine d’années, discutent dans l’une des allées. Le temps est long, ici, surtout quand on a perdu son emploi à cause des entreprises et usines détruites. « On ne se connaissait pas avant », déclarent-ils. Pourtant aujourd’hui, ils sont voisins de tente.

Un provisoire qui dure

L’entente n’est pourtant pas toujours évidente, comme l’explique Angelo, en charge de la protection civile du plus grand campement, le Piazza d’Armi, qui abrite 1600 sinistrés. Manque d’intimité, d’espace, cohabitation avec des inconnus – entre 4 et 8 réfugiés par tente –, sans compter le traumatisme du tremblement de terre, les raisons ne manquent pas pour nourrir les tensions. « Ici, elles sont vives, en particulier entre Italiens, mais aussi Roumains, Philippins, Péruviens qui ont des habitudes de vie différentes. Parfois, cela amène à des conflits », révèle Angelo. Un abri, c’est un début, mais retrouver un vrai chez-soi serait infiniment mieux. Quitte à participer à la reconstruction. Alessandro, 28 ans, s’offusque de la politique du gouvernement à cet égard. « Au lieu d’assister les gens ou de les envoyer sur la côte où ils vivent pour certains depuis trois mois à l’hôtel, il faudrait leur donner la possibilité d’être des acteurs de la reconstruction. » Le jeune homme est membre du comité citoyen 3 h 32 – l’heure du séisme –, et organise un campement alternatif à L’Aquila, à deux pas du centre-ville ravagé. Il s’interroge sur l’après-tremblement de terre et les questions qui s’y rattachent. Quelques jours avant le G8, des sinistrés de L’Aquila et des environs sont venus d’eux-mêmes y habiter, ne supportant plus la situation dans les camps.

Cette année, pourtant, peu de militants étrangers sur place pour organiser le contre-sommet du G8: il s’agirait d’un «mot d’ordre général», explique Alessandro. Pas question d’imposer des soucis organisationnels supplémentaires aux habitants, déjà durement touchés en avril. « Je suis déçue que les habitants ne se mobilisent pas plus, concède Giovanna. Mais dans leur fragilité psychologique actuelle, il est facile de s’en remettre au gouvernement, plutôt que de prendre leur vie en main. » Alors, c’est à eux, jeunes politisés de L’Aquila et de sa région, de mobiliser les esprits, à force de forums mais aussi d’actions: marche commémorative, inscription sur la colline de Roio qui fait face à Coppito – où a eu lieu le G8 – de lettres géantes formant leur slogan « Yes we camp », occupation de bâtiments construits aux normes sismiques avant le 6 avril et qui restent pourtant inoccupés, avec invitation symbolique aux «premières dames» de venir visiter les camps. Point culminant de la résistance anti-G8, la manifestation d’hier, qui a réuni quelques milliers de personnes sur un parcours de plusieurs kilomètres entre Paganica et L’Aquila, a divisé altermondialistes venus de tout le pays mais aussi certains réfugiés du campement alternatif, ces derniers voulant éviter une récupération politique de leur engagement social. Reste à savoir si après la vague médiatique due au G8, les sinistrés de L’Aquila ne seront pas, dans les prochains mois, les grands oubliés du monde, après en avoir été le centre.