Thaïlande : «Nous ne céderons pas»

17 mai 2010  |  dans International

Photo : Corentin Fohlen/Fedephoto

Photo : Corentin Fohlen/Fedephoto

Après trois jours d’affrontements qui ont fait une trentaine de morts, plongée au cœur du camp retranché des « Chemises rouges », ces opposants au gouvernement qui affrontent violemment l’armée à Bangkok.

Cela fait une semaine que le taxi de Somtig n’est pas sorti du parking. « Je ne travaille plus, je ne me consacre plus qu’à ça », jure ce Thaïlandais de 45 ans. Le conducteur désigne un carrefour où depuis cinq heures, les Chemises rouges et l’armée s’affrontent sans relâche. Somtig est dans les rangs des «Rouges», ce groupe qui bloque le centre de Bangkok depuis deux mois pour réclamer la démission du gouvernement. «Je reprendrai le volant une fois que la démocratie règnera sur mon pays», s’enflamme-t-il. Nous sommes à Dingveng, un quartier de Bangkok, mais aussi, depuis plusieurs jours, l’une des cinq zones d’affrontements de la capitale. Autour de Somtig, à l’écart derrière un muret, une dizaine d’insurgés prépare des feux d’artifice artisanaux qu’ils jetteront sur les militaires à l’aide de petits lance-pierres. À quelques mètres à peine, dans le bruit assourdissant des détonations successives, d’autres Chemises rouges mettent le feu à un camion et enflamment des pneus. «La fumée très épaisse qui s’en dégage empêche les snipers de nous repérer », explique Somtig, malicieux. Et pourtant, cela n’empêche pas les soldats de tirer sur les quelque 200 émeutiers. D’ailleurs, pendant que nous discutons, un groupe de photographes français, pourtant siglés « presse », fait les frais des tireurs. Heureusement, il n’y aura pas de blessés, mais pour les reporters, le choc est là. «Ils ont voulu nous intimider, nous forcer à partir !», s’indigne l’un d’eux. Dans l’après-midi, un adolescent aura moins de chance : il aura la main transpercée par une balle de fusil mitrailleur. Le matin même, sur une autre zone d’affrontement en plein coeur du centre d’affaires, un homme, lui, aura le crâne traversé par la balle d’un sniper en faction sur le toit d’un building. Depuis jeudi, et l’intensification des violences, trente Chemises rouges auraient trouvé la mort, selon le gouvernement. D’après les insurgés, beaucoup plus.

La capitale s’est presque arrêtée de vivre

Ce qui est certain en revanche, c’est que depuis quelques jours, la capitale s’est arrêtée ou presque de fonctionner. Les grandes artères du centre sont totalement désertes et les magasins fermés. Un peu partout, et quelques fois à plusieurs kilomètres des zones d’affrontements, les militaires installent des barrages barbelés ou empêchent les Thaïlandais de passer. Mais les contrôles des soldats se font plus importants à mesure que l’on approche du quartier général des Chemises rouges, un campement de trois kilomètres carrés où se sont installés plusieurs milliers de Thaïlandais.

Des familles entières soutiennent les «Rouges»

Venus des provinces et de plusieurs quartiers de la capitale, des familles entières se sont installées pour soutenir le combat des Chemises rouges. C’est d’ailleurs là que Somtig passe le plus clair de son temps, une fois les affrontements terminés. C’est là aussi que se regroupent chaque jour, tous les leaders insurgés. Parmi eux, Sean Boonpracong, porte-parole du mouvement : « Ils nous accusent d’être des terroristes, mais ce sont eux qui tirent sur des civils innocents ! », s’indigne-t-il. Et de conclure : « Ils peuvent nous tuer un par un, nous ne céderons pas».