Après le scrutin, le chaos ?

18 juin 2012  |  dans International

Photo © Aude Osnowycz

Photo © Aude Osnowycz

Que le vainqueur soit Chafik ou Morsi, les résultats de la présidentielle égyptienne pourraient bien renforcer les tensions, déjà importantes, au sein du pays.


 
« Le futur président est prévenu maintenant : s’il nous déçoit, si le peuple égyptien n’est pas content, il sortira dans la rue. La place Tahrir n’est pas loin », affirme un sourire aux lèvres Luiz, la quarantaine, vendeur d’artisanat dans le quartier copte du Caire.
De fait, les résultats du scrutin suscitent bien des inquiétudes. Les 40 % d’électeurs qui ont choisi au premier tour un candidat «révolutionnaire», dont les progressistes Hamdine Sabahi, Amr Moussa ou encore Abdl el-Fotouh, qui ont été éliminés, devront choisir entre un moindre mal.
 
Des progressistes divisés
 
« S’ils avaient su s’allier au premier tour, un candidat progressiste aurait certainement gagné la présidence », analyse Friedrich Bokern, un expert de la vie politique égyptienne. D’où le sentiment d’un « gâchis » politique pour bon nombre d’Égyptiens qui ne se reconnaissent pas dans les deux candidats restants. Dans le cas où les Frères Musulmans, par le biais de Mohammed Morsi, remporteraient l’élection, la société égyptienne tendra certainement vers un plus grand rigorisme.
 
Le « double discours » du candidat islamiste
 
Friedrich Bokern décrypte : « Morsi tient un double discours, rassurant d’un côté, plus radical de l’autre. Sous la pression de ses acolytes, il pourrait durcir les conditions de commercialisation de l’alcool dans les bars en favorisant l’organisation de raids réguliers; rendre plus difficile l’obtention des permis de construire des églises pour les Coptes; s’arranger avec des lois assez byzantines. Il souhaiterait baser la Constitution sur la charia, ce qui n’est pas nécessairement un signe positif en ce qui concerne le droit des femmes et leur rôle à jouer dans la société égyptienne. La question de la création d’une police religieuse, qui s’est déjà posée, va ressurgir dans le débat, c’est sûr ».
 
Chafik, incarnation de l’ancien régime
 
Avec une victoire d’Ahmed Chafik, l’adage : « Il faut que tout change pour que tout reste pareil », semble être de mise, selon cet analyste. Cacique de l’ancien régime, il entretient de bons rapports avec la police. En cas de manifestations, il serait écouté par les forces de l’ordre s’il estime qu’une intervention armée est nécessaire.
Dans les deux cas, ce que souhaitent les révolutionnaires, et parmi eux, surtout les jeunes, reste la « fin des hypocrisies ». Pas sûr qu’ils y trouvent leur compte dans la victoire de l’un ou de l’autre. La place Tahrir risque d’être de nouveau le témoin des vicissitudes de la vie politique égyptienne.